La belle devanture du café, dans ces tons verts qui rappellent le bayou qui borde le quartier, promet milles et une douceur aux gourmands. Les bons beignets sucrés font toute la réputation de cet endroit, en bien comme en mal. En bien d'abord, car ces mets délicieux sont dignes des plus grands chefs pâtissiers et que damner son âme pour une bouchée est chose facile. En mal, car se damner n'est parfois pas qu'une parabole. En effet, certaines de ces sucreries sont mystérieusement empoisonnés et que les victimes en sont, sans jeu de mot aucun, mortes de rire.

Le soir, il est possible d'entendre des rires venant de cette très belle propriété, et ce malgré la façade et le toits abîmés d'un manoir dont on devine pourtant un passé splendide. Les fenêtres éclairées, l'hilarité et la douce odeur sucrée attirent les passants qui n'ont pourtant aucune idée du genre d'hôtel dans lequel ils vont mettre les pieds. Car la nuit, les rires se transforment en râles mortuaires, en échos, en ricanement et ceux qui s'en sortent en partent généralement sans y remettre les pieds, sinon par masochisme ou acte de bravoure inconsidéré.

La fête foraine est à l'image du quartier, une petite maison de sucrerie qui cache en réalité un lourd et noir secret. La musique est festive, les ballons colorés décorent le ciel et la grande roue tourne joyeusement dans un flots de cris amusés venant de la maison hanté. Mais à une certaine heure, toujours différente, une ombre se met à planer et les cadeaux gagnés devant les stands deviennent des horreurs aux sourires tordus et défigurés. Quant à la maison hanté, elle prend réellement des allures d'horreur tandis que la grande roue tremblote sous les regards apeurés de ses occupants.

A l'image d'Alcatraz, l'asile d'Arkham se trouve sur une petite île, en plein milieu du bayou près duquel est bâti le Clown Square. Un pont de pierres rugueuses permet aux plus courageux de s'y rendre, mais il est nécessaire de savoir que les eaux noires et sauvages s'amusent parfois à le recouvrir de manière imprévisible. L'entrée y est démarquée par une grille de fer grise qui, plus que de retenir ses occupants à l'intérieur, sert à dissuader les plus inconscients. Car le bâtiment lugubre qui se profile au loin ne ressemble à aucune prison connue en ce monde. Il est, en effet, le digne représentant d'un enfer sournois, dont les ténèbres noient quiconque s'y aventurent. Ne dit-on pas que chaque docteur et même son constructeur ont tous succombé à la folie ? Qui, après cela, aurait envie d'arpenter les couloirs de ce gigantesque bâtiment aux allures de château et dont les innombrables cellules sont classées en quatre catégories, de la plus tranquille à la plus dangereuse ? Car si la première offre la normalité avec sa panoplie de barreaux, les dernières ne sont que des pièces sous verre qui rappellent les aquariums et les lieux d'observation les plus sadiques.

Les habitations − Avec un brin d'imagination, on peut imaginer l'heure de gloire des beaux bâtiments coloniaux qui ornent cette rue. Des maisons aux allures superbes, à l'image des petits immeubles aux nombreux appartements dotés de balcons en fer forgés. Mais, et en réalité, cette apparence se lézarde lorsque l'on regarde véritablement les murs fragilisés et les toits aux tuiles manquantes ou cassées. De plus, aucun endroit n'est véritablement sûr dans un quartier, aux nombreuses apparences illusoires., où on survie plus qu'on ne vit Néanmoins, le papier cadeau est beau … et ce jusqu'à ce que la boîte explose.

Plusieurs serpents d'eaux s'entrecroisent pour former une étendue d'eau marécageuse à la flore dangereuse et à la faune mortuaire. Des crocodiles attendent nichés entre les hautes herbes, des serpents paraissent sur les rochers et de magnifiques oiseaux attirent dans les tréfonds d'une forêts humides dans laquelle on retrouve peu son chemin. Seules de petites embarcadères peuvent conduire les curieux sur les bras humides des marécages. Néanmoins, prenez garde, car la plantation qui s'y cache dissimule des secrets sur lesquels il vaut mieux ne pas tomber. Car on murmure que le Joker, une figure de proue au sourire sinistre, et auquel on doigt les plaisanteries douteuses et ô combien glauques et mortuaires du Clow Square, y aurait trouvé refuge.

Le lieu est rigoureusement solitaire, plongé dans un exil silencieux il est nimbé d’une couronne de pins et de sapins, végétation jadis réputée pour ses essences curatives. Pour y accéder des ruisseaux et marécages sont à enjamber et les terrains à dépasser sont accidentés, la nature est rieuse sur le chemin et hulule le long du bruissement des feuilles et des déperditions du souffle. Après quelques minutes de déambulation, où le néant chante à l’oreille, vous pourriez aboutir sur une bâtisse en déliquescence alors le froid vécu se fera soudain plus intense, les marécages s'oublieront au profit d'une végétation anachronique et empruntée à un ailleurs et à un avant. Vous le déduisez, l’établissement plein sud qui ne reçoit plus de lumière a, un jour, tonitrué hors de la verdure grouillante en exposant toute sa protocolaire rectitude – aujourd’hui ses angles sont fracassés et ouverts au vent. Le Sandman Grand Sanatorium semble endormi, lové dans un sommeil plus lourd que la mort. La nature s’est enracinée au cœur de sa majestueuse cour intérieure et la poussière a envahi les innombrables pièces qui composent les quatre vastes ailes du domaine. Les âmes de passage affirment entendre les anciens soignants toujours en poste s’empresser à l’embouchure des couloirs, les machineries s’emballer en tintamarres, dans leurs esprits c’est le signe que les anciens patients sont sûrement encore présents. Encore souffrants, enlisés à jamais dans cette réclusion souffreteuse. Peut-être les visiteurs ne sont-ils pas si loin de la vérité. En réalité, ils en sont tout près. Car derrière le voile levé par des magiciens et sorciers appliqués le Sanatorium se dénude et dévoile un nouveau plan de réel, pour quiconque y étant invité il s’agit d’un abris aux allures chaudes et mordorées, d’un fort imprenable réaménagé sous la coupe de figures rejetées. Un foyer nommé Asgardia comme un hommage. Mais les intrus n’y verront que les cruels et sinistres couloirs vides d’un lieu sordide, abandonné.