Certaines journées étaient plus dures que les autres. Elles me demandaient beaucoup plus de courage pour parvenir à y survivre. Elles... En fait, plus les journées avançaient, plus mon esprit était un puzzle que l'on démêlait et avec lesquelles on échangeait des pièces. Plus aucune ne se collait réellement et je me retrouvais, comme maintenant, enfermée dans l'arrière-salle de mon bar, les bras serrés autour de moi, les ongles enfoncés dans ma chair. *Oh Irène, pourquoi m'avoir prédit un bel avenir alors que je ne fais que subir ma vie...* Le tranchant des souvenirs de cette femme, de nos derniers instants ensemble... Nous parlions des X-Men, elle et moi, dans l'avion. Je m'en souvenais encore comme si c'était hier... Je me plaignais de ces pro-pacifistes, de leur philosophie... Je disais que, jamais, je ne pourrais les apprécier, les aimer... Elle avait eu comme un ricanement avant de me dire de ne pas parler trop vite. Je n'avais pas vu derrière son masque mais j'avais bien compris qu'elle souriait en coin, elle avait eu ce petit grain de voix signifiant son amusement... Elle semblait persuadée que les X-Men et moi serions un jour en bons termes, si j'analysais bien ces derniers moments avec elle... Avant que... Que je la perde à cause des X-Men ! Mon poing volait dans un mur et je retenais le grognement de rage, mêlé à la tristesse. Oui, je subissais ma vie. Je subissais ces journées où mon esprit devenait de plus en plus fou. *Si seulement tu pouvais encore être là... Si seulement tu...*

Puis le blanc. Le blanc s'immisçait dans mon esprit, un blanc comme la neige, un blanc si pur... Ce n'était pas la tenue d'Irène en tant que Destinée, ni son masque doré que j'avais à l'esprit... Il disparaissait de mes souvenirs comme une photographie prenant petit à petit feu... Non, c'était un autre blanc. Un blanc que je ne reconnaissais pas. Un blanc qui m'apaisait tout en contorsionnant mon myocarde, ce muscle se bougeait avec tant de ferveur et s'enroulait sur lui-même. Du moins, c'était la sensation que j'en ressentais. J'étais... En train d'oublier ma bien aimée, en train de remplacer son image par une autre... Pourquoi ?! Pourquoi ?! Comment pourrais-je faire survivre son souvenir si un autre prenait sa place ?! Comment pourrais-je me pardonner d'oublier si vite - malgré que cela fasse bien des années - mon premier et seul amour ?!

Désespoir. Peur. Panique. Douleur. Joie. Tout se mélangeait dans ma poitrine jusqu'à entendre une voix... La voix d'une femme que je n'aurais jamais imaginée entrer dans mon bar. Les quatre premières émotions se dissipaient comme n'importe quelle émotion, la joie s'estompait plus lentement et de l'huile était jetée sur le feu d'une colère, à peine allumée d'une source inconnue. que foutait une X-Men chez moi ?!

Les tissus endommagés se régénéraient et je sortais de l'arrière-salle en écoutant le monologue de la mutante. "Sortez tous, le bar est fermé." Des râles, des énervements. "Sortez ou c'est mon poing qui finit sur vos têtes pour vous jeter dehors !" Mon visage se crispait en une grimace de colère, de haine pure, le regard posé sur les clients qui partaient, laissant de l'argent - de peur de représailles - et fuyaient, ne laissant que deux êtres dans cette pièce : la wind rider et la shapeshifter.

"Désolée de mon retard, très chère. sifflais-je entre mes dents, me penchant en avant dans une courbette plus qu'exagérée. Je ne me cachais pas, je devais vérifier mes réserves." Lentement, le visage un peu plus détendu - mais pas le reste du corps -, je partais vers l'arrière du comptoir où je prenais un verre pour le remplir de ce liquide doré, incapable de me faire quoi que ce soit de plus qu'un bon goût dans la gorge. "Oh, mais petite tempête, je suis immortelle. Ne te souviens-tu donc pas que j'étais déjà une ennemie des humains quand tu n'étais que foetus ? Est-ce ta propre vieillesse qui te rend si idiote ?" Le regard se durcissait : si je n'avais pas été maudite d'immortalité, grâce à ces cellules se régénérant à chaque seconde, j'aurai fini par mourir. J'aurai fini par rejoindre ma bien-aimée Destinée... "Parle, dis-moi ce que tu me veux et pars. Je n'ai pas de temps à consacrer aux X-Men."

Je me tournais vers le son de la voix, mes cheveux blancs suivant, mes prunelles la scrutant. Elle les mettait tous dehors alors qu’elle pouvait juste nous isoler dans une autre pièce si l’envie lui prenait. Mais… Non… Non… Elle avait fait le choix de faire partir tout le monde, de faire en sorte que nous soyons seules dans ce bar. Sa voix, sa radicalité…

Oui, pas de doutes, c’était bien elle.

Je l’écoutais simplement, soufflant, retenant la tempête que je pouvais être, les vents qui pouvaient tout emporter sur leur passage. Je pouvais tout détruire si l’envie me prenait, réduire à néant cet endroit… Sauf que je ne le voulais pas. Pas de suite en tout cas.

« - Tu n’étais pas obligée de faire fuir tout le monde. »

Mes bras restaient croisés, je me retenais de m’approcher.

« - Tu laisses les lieux sans surveillance lorsque tu te rends dans ta réserve ? N’est-ce pas dangereux ? Même si c’est lié à ton travail, il pourrait se passer n’importe quel événement lors de ton absence »

Je regardais les chaises abandonnées, me fichant bien de sa courbette et me dirigeant vers celles-ci pour les remettre. Elle ? Oh, elle était passée derrière le comptoir et se servait un verre, rien d’anormal. Du moins, c’est ce que je pensais.

« - Lorsque j’étais un fœtus comme tu le dis si bien, je ne vivais pas là où tu te trouvais toi. »

Je fermais les yeux, me souvenant de mon enfance, de ce moment où… J’avais tout perdu. Tout. Ecrasés, cette phobie se créant chez moi… Je secouais la tête, me disais que depuis le temps je m’y étais fait et pourtant… Pourtant tout me restait en tête.

« - Il est vrai que j’avais omis que tu étais déjà vieille lorsque j’atteignais l’âge adulte, mais une vieille peau bien conservée. »

Une pique. Légère alors que je me tournais à nouveau vers elle, que je voyais son regard se durcir. Avais-je dit une bêtise ? Je me déplaçais à nouveau, une fois tout remis à sa place, et me dirigeais vers elle, m’asseyant sur l’un des tabourets.

« - Ai-je droit à un verre ? Je le payerai, bien sûr. »

Je ne comptais pas me soûler, mais j’avais envie de boire quelque chose. Juste un verre. Rien de plus. Avant de soupirer, de me concentrer sur le mur et non sur elle. Pourquoi avais-je du mal à juste avouer que j’étais venue pour avoir des réponses ? Il le faudrait pourtant… L’espoir de comprendre…

« - Je voulais parler de Xavier. »

… Belle entrée en la matière. Bravo Ororo, tu peux mieux faire.

« - Tu as mentionné le fait que tu l’as déjà aidé. Pourquoi ? Pourquoi aurait-il eu besoin de ton aide alors qu’il y a tant de mutants lui faisant aveuglément confiance, étant capable de tout pour lui ? »

Un mouvement de main.

« - Ne dit pas que c’est mon cas également, bien que les apparences le montrent, ce n’est pas le cas… Je suis les ordres, oui, jusqu’à un certain point, mais je sais également qu’il n’est pas possible de lui faire entièrement confiance. »

Un souffle.

« - Pourquoi avoir créé ce genre d’endroit ? Cela me rend réellement curieuse. Surtout que l’on voit aisément que les gens qui étaient présents t’écoutent facilement. Tu aurais pu les laisser, ne pas les faire partir et juste m’emmener dans l’arrière-boutique. Ce n’est pas comme si je comptais t’attaquer… »

A ces mots, un nouveau soupir, un souffle aérien me suivant également. Pourquoi étais-je dépitée, pourquoi espérais-je réellement que j’aurais une réponse ? Pourquoi me disais-je seulement qu’elle ne me mettrait pas à la porte de force ? Je passais une main dans ma chevelure, regardais quelques instants les mèches rappelant un nuage blanc.

Peu de gens savaient que je ne faisais pas entièrement confiance à Charles. Peu de gens savaient mon histoire tout simplement… Je ne comprenais pas pourquoi j’avais lâché tout ça, devant elle. J’aurais pu tout simplement trouver une excuse, une pirouette avant de m’en aller comme si de rien était. Avant de la fixer à nouveau, d’hausser un sourcil.

Allait-elle vraiment bien ?

Idiote. Cette femme à la chevelure blanche était si bête. Si… Si X-Men. Ils étaient vraiment tous les mêmes : des êtres bien trop imbéciles pour cette planète. Enfin, pour celle-ci ou même celle d'avant. Les yeux roulaient dans leurs orbites à sa réflexion : "Ne puis-je donc pas gérer ma vie comme je le sens ? Ça aussi, je ne peux pas le faire comme je le veux ? Non parce que, réellement, si la raison de ta venue est de m'apprendre comment tenir un bar et quand aller vérifier mes réserves… Le jour où j'écouterai tes conseils, un éclair te tombera sur le crâne." À nouveau, elle s'amusait à se croire chez elle, chez moi en se mettant à ranger mon espace de travail. Mâchoire crispée. Poigne plus ferme sur le verre. La colère qui montait sans réelle raison, qui prenait place en moi. Qui s'élevait…

Le futur est déjà écrit, Raven.

La main qui broyait le verre, la main qui tremblait sans que je ne puisse comprendre réellement. L'autre se posait sur elle, la retenait de trembler aussi fort, d'être ainsi. De montrer une faiblesse à une mutante qui préférait sauver tous les humains, même ceux nous faisant du mal. Un souffle. "T'ai-je, un jour, donné l'impression de vouloir parler de Xavier ? Je t'ai signalé ma coopération avec lui, simplement pour que toi et tes laquais ayez un sentiment de culpabilité en tentant de me courser, sans raison." Les morceaux de verre dans la peau, se retiraient un à un, poussés par la chair qui se créaient à nouveau, qui se soignait avec une rapidité sûrement déconcertante. Colère et tristesse se succédaient en moi, au souvenir du masque doré de ma bien-aimée, de sa toison blanche et de son corps sans vie, porté vers moi… "Si ton désir est de boire, dis-moi ce que tu veux. Je te l'offre, wind rider."

Tu verras, ton avenir est bien plus lié à ces êtres que tu ne le penses.

Les yeux qui se fermaient, le rappel de son corps si lourd dans mes bras, de cette promesse du professeur Xavier : travailler pour lui en échange d'une chose. Une chose que je désirais du plus profond de mon cœur. "Pourquoi ? Parce que certains jobs ne peuvent vous être confiés. Vous êtes bien trop voyant. Bien trop… Hm… Droit dans vos bottes." Lentement, je me débarrassais des débris de verre, les jetais avant de réellement me servir un verre puis d'offrir à l'albinos la boisson qu'elle souhaitait. "Oh, ne t'en fais pas. Je n'ai aucune confiance en votre gourou ! Je n'ai confiance en aucun de vous, en fait. C'est vrai, vous êtes tout de même la raison de la mort de Destinée, vous, les X-Men." La faute était à Forge mais c'était pour les aider qu'on avait participé à cette mission. Parce que Destinée me disait qu'il fallait le faire… Si j'avais su… Plutôt m'ouvrir les veines que de faire le même choix.

"Je fais ce que je veux, Storm. Si j'ai créé cet endroit, c'est simplement pour me poser tranquillement. Pour me poser, le temps de retrouver mes enfants ! Si je les ai fait partir, c'était que j'en avais envie ! Pourquoi veux-tu une réponse à tout ?! Pourquoi es-tu curieuse de la femme que je suis ?! Alors qu'aveuglément, tu m'as toujours vue comme celle qu'on dépeignait !" Une pause, juste le temps de claquer à nouveau, le verre sur le comptoir, de sentir la colère se mêler à la tristesse. Furieuse et brisée. Mon esprit changeait sans aucune raison. Il me faisait passer par tous les états, il me rendait folle… Cela durait depuis longtemps. Mais cela empirait. Des sautes d'humeur, des rires incongrus, des colères puissants sans raison, des tristesses me fendant le cœur… "Jamais on ne parle de Raven, sauvant des dizaines d'enfants, torturés et tués par des humains ! Des enfants mutants ! Utilisés pour être fusionnés avec mes cellules pour offrir une jeunesse éternelle aux humains ! Jamais, ô grand jamais, ça n'a fait la une. Oh mais oui, pardon, j'oubliais. - un petit rire, un sourire détonnant sur ma colère précédente - On ne peut pas dire que les humains sont les méchants de l'histoire ! Ce n'est que la vilaine dame à la peau bleue qui peut être la coupable de tous les maux du monde ! Hé, hé !" Les épaules se haussaient en un geste nonchalant, alors que je m'appuyais contre l'armoire à alcool derrière moi, buvant une longue gorgée de bière, sourire aux lèvres. "Je suis sûre que tous les mutants auraient rejoint la cause de Destinée et moi-même, s'ils avaient lu rien que la moitié de ce qui y est écrit. - une fin du monde mutant où les humains les anéantissaient mais jamais, jamais, il ne mentionnait la mort de Destinée - La fin des mutants. Même pas un asservissement ! Nooon ! - un autre rire - Une extermination. Alors, ça fait quoi ? De te dire que tu veux sauver des gens qui sont voués à nous exterminer ? Même toi, qu'ils ont élevé au rang de divinité terrestre ? Hm ? Bois une gorge, en général, ça passe mieux." Même mon discours partait dans tous les sens. Même mes pensées allaient d'un sujet à l'autre. Rien n'allait droit en moi, que ce soit l'esprit ou le corps.

Tu dois avoir confiance en certains d'entre eux, ils te sauveront de toi-même.

J'avais toujours eu confiance en toi, Irène... Mais je doutais qu'un membre de chez eux ait réellement la faculté - ou rien que l'intention - de m'aider à aller mieux. À soigner ces maux si profondément ancrés en moi...

Un regard, perdu, se demandant quoi... Non, je n'étais pas venue pour lui faire des reproches, lui dire que faire avec son bar. Loin de là... réellement loin de là. Ça avait juste été plus fort que moi de faire la remarque surtout au vu des gens s'y rendant, des êtres que j'avais aperçu...

Un souffle quittait mes lèvres. Pourquoi m'agaçait-elle autant ? Pourquoi les mots qu'elle employait me donnaient envie de répliquer inlassablement ?

Je me tournais, apercevais ce verre brisé, les morceaux entrant dans la chair et la quittant rapidement suite à la mutation de la femme à la peau bleue. Une mutation bien différente de la mienne, le gêne la rendant ainsi, lui permettant de changer de forme, de vivre des époques que je ne connaîtrais jamais comme elle en avait fait le doux rappel.

Je regardais ma propre main, me disais que si je réalisais la même chose je sentirais chacun d'eux dans ma chair. Souffrance... je la scrutais à nouveau, réalisais que je l'avais mise en colère...

« - Bien sûr que tu fais ce que tu veux. Je n'ai ni ordres, ni conseils à te donner. Après tout, je ne suis rien d'autre qu'une nuisible pour toi. »

Je n'étais rien de plus qu'une épine dans son pied, je le savais, je n'étais pas dupe. Je n'étais rien de plus qu'une X-Men se mettait en travers de sa route, la combattant... Elle qui était la mère de deux êtres étudiant ou se trouvant à l'institut pourtant. Mais cela ne changeait rien à notre relation, rien du tout.

Nous n'étions pas proches.
Alors pourquoi est-ce que je m'inquiétais en la voyant ainsi ?

« - C'est moi qui souhaite parler de lui quant aux autres, ils ne sont pas mes laquais. Ce sont des camarades, des amis, des collègues, des êtres que je forme. »

Des enfants, des adolescents ou des adultes... des personnes comme elle et moi avec des mutations diverses et variées qui n'étaient que rarement appréciées par la société. Même si j'avais eu de la chance à un moment de ma vie, je savais que ce n'était pas le cas de tous.

« - Ce que je veux ? Je doute que tu aies du vin égyptien, très chère. »

Un léger sourire, très léger.

« - Une simple bière fera l'affaire. »

J'étais sincère en prononçant ces mots après la taquinerie d'avant. Une taquinerie qui me renvoyait à mon enfance, à cette période où... j'avais tout perdu avant de le rencontrer... de me dire que quelque chose clochait avec cet homme que je ne savais pas encore être Xavier. Avant de tiquer... quelque chose n'allait pas dans son discours.

« - Raven es-tu sûre d'aller bien ? Nous ne sommes pas proches, mais je le vois bien que quelque chose ne va pas. »

Je serrais les dents, la fixais.

« - Tu penses vraiment que je suis idiote au point de croire que les humains ont tous bon fond ? Raven, je sais pertinemment que certains ne nous voient que comme des erreurs de la nature. Ce n'est pas parce que je les protège que je suis avec des œillères. »

Mon regard qui ne la quittait pas.

« - Je l'avoue, je ne sais pas tout ce que tu as fait, tout ce que tu as pu vivre. »

Parce que nous étions, naturellement, dans des camps opposés la majeure partie du temps. Des camps voulant tout deux le bien des mutants, mais aux visions différentes...

Je fonçais les sourcils en l'entendant mentionner l'anéantissement des mutants. Je n'avais... jamais entendu parler de ça, jamais rien lu...


« - Comment ça ? Pourquoi iraient-ils jusqu'à nous anéantir ? Raven...  qu'as-tu découvert... ? »

Curiosité... et incertitude. J'avais du mal à la suivre, j'essayais de mettre de l'ordre dans ses paroles, ce qui n'était pas simple. Avant que je ne réfléchisse plus, que je tende la main, attrape avec plus de douceur que ce que je pensais son poignet car je n'oserais pas la main.

Inquiète.
Pourquoi semblait-elle s'embrouiller autant ? Se perdre dans ce qu'elle disait ?

« - Je suis sérieuse. Ne me dis pas que tout va bien. Tu t'égares, tes paroles se mélangent tout comme tes émotions. Cela se voit. »

Je ne savais juste pas si elle accepterait ce que je dirais ensuite...

« - Laisse moi t'aider si je le peux. »

Des mots sortant naturellement alors que mes yeux se perdaient dans les siens, que je ne relâchais pas mon emprise. Je me doutais qu'elle refuserait.

Mais je m'en fichais comme de la première pluie tombée sur Terre.

Pourquoi, Irène ? Pourquoi devenais-je folle ? Pourquoi t'avais-je perdue ? Pourquoi étais-je seule, avec tes souvenirs qui s'estompaient au fond de mon esprit ? Pourquoi y avait-il ce halo blanc qui remplaçait ton visage, lorsque je cherchais à me réconforter ? À ne pas perdre la tête, plus que d'habitude ? Mon discours devenait fou, il passait d'un sujet à l'autre. Mes humeurs se changeaient, se modifiaient comme le cours du vent. De la bourrasque, je passais à la brise légère avant de devenir une tempête faisant peur aux plus chevronnés des marins ! "Je vais très bien ! Ça ne se voit pas ? Comme tu dis, nous ne sommes pas proches ! - la bière posée face à elle, avant de me reculer - Alors, comment pourrais-tu savoir comment je vais ?" Sourire, énervement… Elle me parlait de cet homme qui m'avait tout pris. Elle parlait de ces humains que je haïssais du plus profond de mon cœur. Ces humains… Tss… Qu'ils aillent se jeter du dessus d'un pont, cela me ferait bien plaisir. "Alors, pourquoi les protèges-tu ?! Pourquoi les aides-tu ?! Pourquoi suis-tu les ordres d'un homme dont tu n'as pas réellement confiance ?" Puis le discours, un monologue de ma part, de longues phrases qui n'avaient ni queue ni tête, moi-même je m'en rendais compte… Un rire qui brisait le sérieux de cette conversation, un sourire qui contrastait la violence de mes propos. "Parce que tu le dis ! Nous sommes des erreurs de la nature ! - une gorgée de bière, le regard redevenant doré alors que mon corps se découvrait pour être à la peau bleue, aux cheveux rouges - Nous ne sommes pas normaux. Nous sommes des vermines ! Destinée l'a vu, elle l'a écrit, il y a des dizaines d'années ! Destinée savait et Xavier l'a tuée !" Extrapolation. Il n'était pas fautif, c'était la faute de son fils mais… Pour moi, si ce professeur idiot n'avait jamais existé, ma belle Irène serait toujours en vie…

Le cours de mes pensées se stoppait net. de la douceur. Mon être, fait de chaos, connaisseur de la douleur. Quelques êtres avaient été doux avec moi. Des êtres que je n'avais plus, que je ne voyais plus… Que je n'arrivais pas à aimer comme je le devrais… Kurt, Malicia, Irène… Trois personnes m'avaient offert ce précieux cadeau de la gentillesse, de l'amour, de la tendresse… Ma famille. Ils seraient toujours ma famille, malgré tout… Malgré mes folies… pourquoi ?! Pourquoi la Tornade utilisait cela ? Pourquoi ?! Pourquoi se montrait-elle… Ainsi ? Pourquoi semblait-elle sincère ? La panique, la colère, l'incertitude, la peur… Un réel torrent déferlait dans mon crâne, dans mon cœur. Depuis quand était-elle… Ainsi avec moi ? Pourquoi… Pourquoi me proposait-elle de m'aider ?! Se calmer. Il fallait poser mon esprit, il fallait que mon état mental se stabilise, redevienne aussi correct que possible… Sauf qu'encore une fois, c'était ce voile blanc qui apparaissait. Non pas le visage d'Irène ni le masque de Destinée… "Je…" Je ne me montrerais pas faible ! La colère grondait en moi, rugissait tel un lion en cage… Pourtant…

Tu dois avoir confiance en certains d'entre eux.

J'avais toujours cru qu'Irène se moquait de moi, qu'elle m'annonçait un futur impossible, qu'elle avait perdu la tête mais… Mais elle avait toujours eu raison. Elle avait toujours vu, avec une grande précision, le futur… Même sa mort, elle l'avait vue. Mais ne me l'avait pas partagée, elle avait refusé que je change le destin car… Il ne pouvait pas l'être. Parlait-elle de Storm, lorsqu'elle m'avait dit de faire confiance ? Que je serais liée à certains X-Men ? Je doutais qu'elle parlait de Kurt ou de Malicia.

"Non." Je dégageais sans une once de douceur, en étant l'être froid et dur que l'on me connaissait, mon poignet de la main de la mutante. "Non, tu ne peux pas m'aider. Non, tu ne m'aideras pas ! Je sais très bien m'en sortir toute seule !" Seule. Oui, j'étais seule. Oui, je l'étais… Oui, je n'avais plus cette présence, cette aura rassurante… Une main sur le visage, la tête baissée. De la colère à la tristesse, à la douleur de ce rappel… "Je sais très bien m'en sortir seule, j'ai toujours été seule depuis la mort d'Irène… J'ai survécu seule avant elle. Je n'ai besoin de personne. Personne ! Encore moins d'un laquais de Xavier !" Les ongles s'enfonçaient dans ma peau, peau qui se soignait toute seule, qui ne laissait pas le temps du sang de couler pour montrer la douleur que je m'infligeais... Pour oublier, oublier ma folie... "Je vais très bien... Je n'ai besoin de personne..." Mais je m'enfonçais. Je creusais dans ma folie, sans arriver à en sortir. Je voyais ce tunnel devenir de plus en plus long, de plus en plus profond... Je n'arrivais plus à en sortir aussi vite qu'avant, depuis des semaines, je creusais... Je fouillais des couches si profondes... Si sombres... "Je ne peux pas avoir confiance en toi... Je ne peux pas... Je n'ai besoin de personne..."

Une légère moue sur le visage alors que j’entendais sa réponse, que je faisais face à son refus de dire que ça n’allait pas. Non, ça ne se voyait pas du tout qu’elle allait bien, je n’étais pas idiote ou née de la dernière pluie. Absolument pas… Pourtant, elle continuait de nier, de réagir comme à son habitude. Je ne la quittais pas des yeux, j’essayais de comprendre à ma manière…

« - Nous n’avons beau ne pas être proche, je t’ai bien assez vue pour en avoir une idée. »

Et elle reprenait, peu après, me demandait pourquoi je protégeais les humains, pourquoi je les aidais et les raisons me poussant à suivre Xavier. Ma tignasse blanche fut secouée, les réponses étaient simples au fond…

« - Pour des raisons probablement idiotes, mais la plupart des mutants ont des parents humains. Des parents qu’ils peuvent perdre à n’importe quel moment sans pouvoir faire quoi que ce soit… Quant à Xavier, c’est tout simplement parce qu’il m’a aidé et tendu la main. »

Des parents. Cette vision me revenait, cette sensation d’étouffement et… Je serrais les dents. Je ne voulais pas revoir ce moment, je détestais le revivre et même après tant d’années cela me restait en tête. Je n’avais toujours pas réussi à affronter ma claustrophobie… Je paniquais dans un espace restreint et clos…

Un coup d’œil vers cette réserve, une simple pensée me disant que je serais incapable d’y rester longtemps…

Avant de réaliser que son discours était à nouveau sans queue ni tête, qu’il partait dans tous les sens. Il était difficile de la suivre à certains moments, réellement, mais j’essayais, je tentais de comprendre. De la comprendre. Je buvais un peu, de légères gorgées, tout en la fixant.

« - Nous ne sommes pas de la vermine et encore moins des erreurs de la nature. Sinon aucun mutant ne naitrait de deux humains traditionnels, pourtant c’est ce qui arrive fréquemment. Tout comme le fait qu’un être sans gêne-x puisse naître de deux mutants. Nous sommes nés ainsi sans l’avoir demandé et… »

Un blanc.
Comment ça Xavier avait tué Destinée ? J’étais certaine que ce n’était pas le cas… Est-ce que je m’étais trompée ? Est-ce que… Je m’étais fait des idées ?

Pourtant, j’attrapais simplement sa main. Doucement, sans y mettre aucune fermeté, aucune animosité. Je m’inquiétais pour la femme à la peau bleue, celle qui changeait d’apparence aisément. Je m’inquiétais pour elle, pour celle que j’avais tant et tant affronté. Je ne savais pas comment le lui faire comprendre aisément… Car nous n’étions rien l’une pour l’autre.

Rien… Rien d’autre que des adversaires.

Et pourtant… J’étais là, face à elle, à tenter de lui montrer que je ne voulais pas la laisser, même si elle se dégageait vivement, me disait que je ne pouvais l’aider, qu’elle pouvait s’en sortir seule. Mes prunelles devaient montrer, malgré moi, mon inquiétude… Ce sentiment qui m’assaillait alors qu’elle ne voulait pas de mon aide.

« - A quoi est-ce que je m’attendais… Bien sûr que tu n’as pas besoin de moi, que tu es capable de te débrouiller… Je le sais et pourtant… Parfois avoir une main tendue, ça peut aider. »

Je serrais les dents en entendant ses mots. Laquais de Xavier… Je n’étais donc réellement que ça pour elle, juste ça… Juste quelqu’un suivant les ordres reçus alors que je me faisais d’abord mon avis avant de réagir, avant de faire quoi que ce soit. Comme Logan, en réalité, et d’autres… Tous ne suivaient pas les ordres aveuglément comme elle le pensait.

« - Raven ? »

Je la voyais répéter certains mots, je l’entendais dire qu’elle ne pouvait avoir confiance en personne… Et encore moins en moi. J’apercevais ses ongles s’enfoncer dans sa chair, même si aucune goutte de sang ne se faisaient voir grâce à sa capacité de guérison… Que pouvais-je faire, bon sang ?

« - Non tu ne vas pas bien ! Et tu es comme tout le monde… Toi aussi, il y a des moments où tu voudrais avoir quelqu’un à qui te confier… »

Inquiétude plus puissante encore provoquant l’apparition d’une légère bourrasque de mon côté. Aucun crépitement, je n’étais pas en colère, mais juste du vent… Encore… Pourquoi est-ce que je perdais aisément mes moyens avec elle ?

« - Je veux sincèrement t’aider… Même si on s’est fréquemment affrontée, j’avoue m’être fait une fausse idée de toi durant longtemps… J’avoue m’être trompée par rapport à toi… »

Rien à faire, je n’arrivais pas à me calmer…

« - Raven… S’il te plait… On dirait que… »

Que quoi ? Je la regardais toujours, observais cette main qu’elle avait délaissée…

« - On dirait que tu es en train de perdre pieds… »

Et tout mon être montrait mes émotions. Le souci d’être liée à tout ça, d’avoir ses capacités pouvant vivre leurs vies lorsque j’avais des sentiments bien trop puissant. Jamais je ne m’étais sentie aussi… Inquiète… Pour elle. Mais je savais aussi que la forcer ne servirait à rien… Tout comme je savais que ne pas être présente pour elle pourrait la faire sombrer plus encore.

« - Même si tu ne veux pas me croire… Oui, je m'inquiète pour toi. »