Les forêts luxuriantes d'Asgard appartenaient aux peuplades sylvaines qui s'étaient retranchées aux cœurs des montagnes boisées et enneigées du royaume. Loin des murs mordorés de la cité éternelle se tapissait la sauvage et indomptable faune du monde d'Odin. Bêtes colossales à la force titanesques et créatures aux milles poisons, qui cultivaient les récits et les légendes dans les tavernes des Ases. Les âmes divines qui s'égaraient seules en ces lieux étaient rusées, inconscientes ou d'une arrogance sans limite. L'histoire des lieux qui va être conté est celle d'une réunion. Celle d'un garçon qui avait au creux du cœur plus d'orgueilleuse fierté qu'Asgard n'avait d'eaux dans ses rivières, d'un jeune dieu sorcier d'ordinaire si malin répondant à un appel à l'aide désespéré et celle d'un monstre traqué que la royauté voudrait voir décapité.

Au creux du sentier s’avançait pas moins que le premier-né d’Odin le père de tout. Ayant abandonné sa monture à l’orée de la forêt, Thor l’impétueux s’efforçait d’avancer le plus discrètement possible pour suivre le pas gracile et habile de son plus jeune frère pour ne point l’alerter. Mais sa propre allure était lourde, son avancée périlleuse et son aisance à retravailler. Sa traque durait depuis son départ du centre de la ville car presque jamais il n’avait vu tel empressement dans la foulée de Loki.  Le fils doré voyait bien que le temps passant, le noireaud disparaissait régulièrement de la cité pour vaquer à de sombres et inconnus occupations qui tenaient l’esprit de son aîné éveillé la nuit et bouillonnant de questions. Aujourd’hui il ne voulait point laisser le temps à son comparse de trouver un moyen de cacher ses véritables activités et voilà donc pourquoi l’enfant de la guerre jouait les espions. Sur son visage il n’y avait pas encore l’ombre d’une barbe pour cacher ses traits juvéniles, mais dans son dos reposait une hache à la lame plus grande que la tête d’un étalon et au manche épais de bois brute. Jarnbjorn, l'arme légendaire, reposait encore quelques heures plus tôt dans l’armerie de la cité éternelle, mais arrogant qu’il était, Thor avait jugé qu’elle aurait une meilleur utilité entre ses mains pour son escapades dans les forêts denses et mystérieuses d’Asgard. Il espérait, au fond de lui, rapporter une preuve de sa bravoure à son père pour obtenir son attention et sa fierté.

Suivre Loki était une entreprise difficile et le blond ignorait si il pouvait espérer réellement voir son frère se mettre à nu devant lui sans être pitoyablement découvert. Quand le brun ralentit le pas, l’aîné bondit derrière un chêne à la circonférence généreuse, le cœur battant d’appréhension. Peut-être que s’il était honnête au fond de lui, il reconnaîtrait qu’il ne pouvait supporter que son frère, son meilleur ami et plus grand allié lui cache des aspects de sa vie et que ce n’était pas seulement son besoin d’aventure qui le guidait. Ses yeux le détaillaient, écarquillés, son visage était si perméable qu’il traduisait sa curiosité toute tournée vers le cadet.

Thor se maudit en entendant l’interpellation malicieuse du jeune magicien. Qui avait-il cru tromper ? Le roi de la tromperie en personne. Une entreprise bien présomptueuse. Le vent portait les mots joueurs de son âme-frère, mystérieux et intriguants. Le prince n’était pas d’humeur à écouter des énigmes, trop frustré par son échec alors qu’il pensait découvrir un secret central de Loki. Peut-être une personne manipulant ses sentiments pour le retrouver dans ces bois et lui faire croire à une idylle qui s’avérerait empoisonnée. Pour quelle autre raison son jeune frère partirait dans les bois si souvent, empressé comme pour ne pas faire patienter un rendez-vous ? Quand l’objet de ses pensées se matérialisa à ses côtés, le jeune prince pensa rendre les armes et rentrer bredouille de son expédition. Mais les Norns tissaient bien des destins qui se croisaient et s’entrecroisaient, créant des nœuds dont il aurait été vain de vouloir s’échapper. Si ils étaient les fils alors la bête des bois seraient l’aiguille de leur rencontre.

« Le seul admirateur dont j’aimerais connaître les traits aujourd’hui est le tient mon frère. » Rétorqua t-il, le visage transmettant toute sa contrariété, l’inscrivant en lignes disgracieuses qui sciaient sa face aux traits arrondis. Devant l’insistance du brun à lui présenter le sentier par lequel il était venu, associer au sol qui semblait frémir de terreur à intervalle régulier, il consentit à prêter crédit à l’avertissement et à se retourner. La forêt était dense mais l’ombre qui provoquait ces secousses était visible, massive, sous son passage les branches s’agitaient avec frénésie. Le premier né entendit le bruit d’un tronc se brisant avant de ressentir au plus profond de sa cage thoracique le choc de l’ancien chêne s’abattre sur le sol silencieux. Le bruit qu’il fit en s’écroulant fut tel celui du tonnerre, puissant et redoutable.

Tout naturellement la main du prince guerrier alla trouver le manche épais et ouvragé de sa hache d’arme, ses sourcils froncés avec sévérité, une légère dose d’anticipation et d’impatience courant dans ses veines. Aux côtés du brun la peur était muette, court-circuité par une assurance déraisonnable frôlant la démence. La lame de Jarnbjorn était lourde, puissante et ses bords aussi effilés que la plus fine des lame. Les gravures ouvragées qui l’ornaient étaient le souvenir pour ceux ayant l’outrecuidance de l’oublier qu’il s’agissait d’une arme divine forgée par les nains il y avait de cela des millier d’années. Et bientôt on conterait les louanges de ce métal noble grâce à celui qui l’avait porté, le prince puissant et grand chasseur d’Asgard, celui qui aurait dans ses jeunes années, ramener la tête d’un Bilchsteim au palais par ses propres moyens. Avec l’aide de son fidèle frère d’arme et d’âme, évidemment.

« -Cet admirateur ne pouvait me faire plus d’honneur, Loki. »

Cependant entre ses mains, la courbure si particulière du manche était difficile à saisir, l’équilibre de la lame était incertain et les mouvements de Thor en étaient lourdement engourdis. Rien qui ne saurait l’empêcher de briller, comme à son habitude, c’était certain !
 
Le grognement qui parvint à ses oreilles le mit en alerte et il se retourna, prêt à pourfendre l’animal qui tentait de le prendre à revers. L’allure canine de son adversaire le surpris, peu habitué à voir un loup aussi téméraire. Plus atypique encore que son pelage d’un noir d’obsidienne, il y avait son attitude offensive alors même qu’il était blessé. Thor ne l’expliquait pas, mais il n’avait jamais eu besoin de tout comprendre pour laisser le couperet de sa lame trancher dans le vif du sujet. Quelque chose lui disait que Loki n’était pas l’objet de cette soudaine envie d’en découdre, la bête lui faisant dos et lui présentant ses flancs à découvert. Le fils d’Odin commençait à s’interroger sur sa propre odeur corporel qui semblait capter l’attention des prédateurs des bois, aurait-il prit un bain de graisse animal sans le savoir ? Avec à peine une seconde d’hésitation, son arme se leva au dessus de sa tête, comme un bourreau il se prépara à abattre la hache sur l’animal dont la peau pourrait être utile aux tanneurs du royaume.  

Le manche lourd entre ses mains mal assurées était vacillant, bien loin de l’aisance qu’il possédait pour manier l’épée et la lance. Les quelques secondes qu’il mit pour s’y accoutumer furent suffisantes pour que l’écailleux géant lance sa charge sur eux alors que le prince était trop occupé à considérer le petit gibier en face de lui. Les arbres tombaient et s’abattaient dans son sillage, provoquant des bourrasques de poussières autour d’eux. Quand Thor se retourna, il eu à peine le temps de brandir sa hache comme un bouclier avant qu’un coup de corne de sa taille ne l’envoie plusieurs mètres plus loin. Son corps tournoya jusqu’à s’encastrer dans un hêtre dont plusieurs racines s’échappèrent de la terre sous la puissance du coup.

Le  blond grogna en reprenant ses esprits, Jarnbjorn était introuvable et au loin il discernait la silhouette de Loki entouré par les deux bêtes. Ses yeux écarquillaient, il se redressa en s’appuyant sur le bois en priant aux fils du destin d’être cléments.