"Put-...!" La porte de la pièce adjacente s'ouvrait d'un coup et me pétait le nez, sans même que personne ne l'ait poussée. Les mains posées sur ce visage meurtri par un putain de bordel de rageux de manoir à la con, je grommelais et retenais d'autres insultes. "Un jour, tu vas voir, je vais te faire flamber !" Un autre grognement quand tombait un morceau de lustre juste devant moi. "Continue ainsi et je le fais, là, maintenant ! Stupide morceau de bois !" Le pied volait et frappait la porte, qui se claquait en un sens avant de revenir. Un énième grognement, un râle rageux et j'avançais loin de ce que la demeure pouvait utiliser pour tenter de me tuer. Franchement, 'fallait être débile - ou être purement cinglée - pour enchanter son manoir à répondre méchamment à l'impolitesse et à la vulgarité ! Si je n'avais pas la faculté de me régénérer, purée, je serais plus rousse à la peau de médoc' mais bleue avec une tignasse de feu !

Un râle alors que devant moi, Jeffy se posait, secouait sa petite queue de requin de terre et je riais doucement, m'abaissant pour caresser la tête de ce petit animal si chou, si tendre... Comparé à ce colérique de manoir ! Il était si adorable, à la peau si douce, puis il émettait un genre de petit ronronnement, là, maintenant... Ouais, le requin de terre était vraiment la créature la plus mignonne existant sur Terre ! Il allait falloir me passer sur le corps pour dire le contraire. "Dis, t'as vu Zatou, p'tit bonhomme ?" Il secouait la tête avant de la pencher, me regardant de ses grands yeux noirs plein d'interrogation et de questions brillant au fond. "On devait s'entraîner à la magie mais... Je ne la trouve pas." Ce qui était devenu de plus en plus fréquent depuis cette soirée, où je n'avais jamais vu la magicienne... Dans cet état. La voir furieuse était déjà rare mais j'y arrivais facilement avec mon caractère de petite merde chieuse... La voir en pleine panique, par contre, c'était... ça m'avait... Perturbé ? Un instinct plus fort que celui de la simple protection était né en moi à ce moment-là et je m'étais dit que... Rassurant, la boule d'amour se collait à moi et, instinctivement, je le soulevais en me redressant. De sa petite patte, il me pointait le chemin vers la pièce où j'avais interdiction de me rendre. Ouais, même après un an, la magicienne n'avait pas assez confiance en moi pour cette partie de Shadowcrest... Une moue hésitante : "ça tombe, elle y fait des trucs pas super catholiques, genre... Sacrifier des bébés ? Ou alors, une chambre rouge à la Mr Grey ? T'en penses quoi ?"

Un rire alors que, finalement, mes pas se dirigeaient naturellement vers l'interdit, là où je ne pouvais aller sans accord, là où je n'avais jamais eu l'accord d'aller. Pourquoi ? Grande question. Avait-elle si peu confiance en moi ? Elle avait peur que quoi...? J'invoque un démon par mégarde en lisant un livre ?! J'avais bien pire que des livres d'invocation chez moi - ça concernait surtout la fin du monde chez moi, les sacrifices, les possessions, tout ça, tout ça - et, pourtant, jamais je n'avais créé de danger mortel pour le monde ! Au contraire, je balayais derrière les nigauds et les monstres ! Jeffy se serrait un peu plus fort contre moi et je faisais la moue, il n'avait pas l'air rassuré et je comprenais la raison : Zat' allait arracher les globes oculaires de mes orbites en entrant dans cet endroit mais... Mais fuck this ! J'avançais d'un pas assuré vers cette salle, que j'ouvrais d'un coup de pied, avant qu'elle ne se referme aussi sec, claquant contre ma bottine ! "ARGH ! YOU IDIOT ! Reaaaaally, one day, I'll burn you and dance in your ashes, fuckin' manor !"

Plus civilisée, j'ouvrais la porte à la main, gardant Jeffy contre moi de l'autre bras, pour entrer dans cette salle inconnue jusqu'alors... "Zatou ? T'es là ?" Curieuse, j'observais le tout, je détaillais chaque coin et recoin, sans une once de culpabilité du fait d'avoir transgressé un interdit. "On devait faire un cours sur la magie et, bah... T'as encore décidé de ne pas apparaître. Wouhou, t'es là ?" Jeffy tremblait légèrement et, comme moi - avant son instinct animal, sa perception bien unique à ces êtres si sensibles -, il ressentait l'aura de magie nous entourant dans cette pièce. Le manoir entier vibrait de cette façon mais ici, c'était complètement différent. Bien plus fort... Franchement, elle foutait quoi, ici ? "Surtout que tu m'as toujours pas laissé posé ma biiiiig question : vu que mon sang est imprégné de Bloodstone et donc, d'une sacrée jolie entité infernale... Si je fais de la magie du sang, je peux utiliser les pouvoirs de la gemme, comme mon père, à leur plein potentiel ?! Genre, ce serait de la magie Bloodstone et pas de la magie du sang ? Surtout que je suis immortelle donc ça doit s'auto-alimenter en sang et m'empêcher de clamser comme une blonde."

Concentrée… Les doigts suivant le bois d’un meuble, d’un bureau isolé dans une pièce où personne ne pouvait mettre les pieds, cet endroit où je me trouvais, moi. Des mots lentement prononcés, des tentatives ratées, oubliées ou mises de côté. En ces lieux, je savais que je serais seule, sans entendre de voix, sans me dire que j’allais être dérangée.

Un léger râle, une bougie réduite plusieurs morceaux suite à un sort lancé qui n’avait pas eu les effets escomptés. Un râle alors que je repensais à chacun des moments passés, à cette peur qui s’était infiltrée en moi ce jour-là, cette crainte d’un élément semblant si anodin, si… Puéril pour certains.

Cette scène que je revoyais inlassablement, mes doigts qui serraient le bois, mes ongles s’enfonçant dans la partie la plus fragile. Sans elle je…

« - Bon sang… Si elle n’avait pas été là dans quel état est-ce que j’aurais terminé ? »

Ma tête qui se secoue alors que mes prunelles se perdent sur cet élément détruit que je pourrais aisément réparer si je le souhaitais. Sauf que non… Cela me montrait clairement que je n’étais pas la plus concentrée actuellement, même si je tentais de le camoufler au quotidien, que je cachais tout ça…

Et puis… Il n’y avait pas eu que cet épisode avec les poupées, non… Je n’avais pas compris ce qu’il c’était produit ce jour-là, j’avais aperçu Cassandra et puis… Qu’avait donc eu Elsa ? C’était… Perturbant… Réellement. Surtout par rapport à ce que…

Je ne voulais pas avouer.

« - Allez, Zee… On se concentre… On met de côté les sentiments que l’on peut ressentir pour autrui et on… »

Un haussement de sourcil au son que j’entendais vers la porte, ce son montrant que quelqu’un tentait de l’ouvrir avec son pied. Que n’avait-elle donc pas compris à « NE PAS ENTRER » ?! Elle se fichait de moi ou ? Sauf que la porte répliquait, se claquait contre la bottine de la rouquine et je ne bougeais pas, j’attendais juste de voir…

Malheureusement ce fut rapide. Trop rapide. Madame était bien décidée à entrer et elle le fit. J’entendais sa voix et je soufflais. Le calme était fichu, totalement… Pourquoi m’étais-je dis qu’elle resterait en dehors de cet endroit ? QU’elle n’y mettrait jamais les pieds ?

« - Je suis là, puis-je savoir ce que tu fais en ces lieux avant que je ne t’éjecte, toi ? »

Mes bras se croisaient, je réalisais seulement que j’avais laissé une légère trace d’ongles sur le bois du bureau et je me levais, m’approchant, le regard sombre… Même si intérieurement, j’étais ravie de la voir. Ravie de passer du temps avec elle sauf que… Que ça me rappelait tant de choses, que je sentais mon cœur vriller à certains moments. Idiote.

« - Et trouve une bonne raison pour que je vous laisse entier. »

Des menaces que je ne mettrais pas à exécution, mais des menaces tout de même. Pourquoi est-ce que je faisais ça ? Parce que ça m’énervait qu’elle n’écoute pas ou… ? Non… On se calme, on se concentre sur la dame…

« - C’est ce qui semble le plus logique vu la nature de ton sang, vu la pierre. Mais sans essayer, il est difficile de le savoir, difficile d’évaluer ce qu’il se passera ou non, même si en suivant la logique les deux éléments se mêleront, feront que tu auras cette magie personnelle. »

Ma tête qui se secoue à nouveau.

« - Merci de me rappeler que je suis capable de clamser comme une blonde tel que tu le dis en ne faisant pas attention en utilisant une telle magie. »

Une légère tape sur son épaule.

« - Tu comptes continuer ton tour des lieux ou… Vu que tu es ici, veux-tu essayer ? »

En espérant qu’elle comprenne que je parle de magie et pas d’autre chose…

Jeff était collé contre ma poitrine, effrayé par la méchante magicienne qui s'énervait sur nous. Son ton était aussi coupant que les canines de Dracula - et Drac' savait à quel point ses crocs étaient d'un coupant des plus inimitables -, aussi glacial que le Lyngbakr des mythologies nordiques. Enfin, mythologie, cette saleté existait et j'avais pu l'observer à plusieurs reprises. Je savais que j'avais fait une connerie en rentrant là où je ne pouvais pas... Bref, j'avais fait ma Elsa. Donc, pourquoi elle s'énervait comme si... Fronçant les sourcils, je n'écoutais que très peu ses remarques, ses menaces qui faisait trembler le petit requin de terre. L'idiote de service se servait par moment de ses neurones et là, je comprenais qu'un truc clochait. Un gros truc ! M'abaissant, je laissais partir l'animal qui s'enfuyait. "Tu sais quoi ? On va dire merde à la magie pour le moment. On me videra de mon sang auto-alimenté un autre jour." Les bras croisés, je haussais un sourcil en l'observant, en regardant cette femme plus digne dans son apparence et son comportement, et plus grande que moi. "Je te l'ai dit pourquoi. Je suis venue parce qu'on devait travailler la magie et que t'étais pas là, princess !"

Traces de griffes dans le meuble ; ongles légèrement arrachés à une main ; comportement évasif, distance imposée ; tri dans les informations données.

Conclusion : un truc n'allait pas.

"Zatanna. Je ne suis pas idiote, tu sais. Je vois bien que depuis... Depuis cette soirée, avec les jouets, tu n'es plus dans le même état. Tu es... Distante, perdue..." Un élément me sautait aux yeux : bougie explosée. "Déconcentrée au point de sacrifier des bougies !" Sans maîtriser la force octroyée par mon sang - ce qui était assez rare, en fait, car je savais éviter de tuer les gens -, j'attrapais le poignet de la magicienne, mettant en avant les ongles, juste sous le nez de Zatou. "Tu ne peux pas nier ! Je le vois bien, je vois que ça ne va pas ! Et je suis inquiète, Zatanna ! Tu m'inquiètes ! Alors, bordel, parle-moi ! Dis-moi ce qui ne va pas ! Ou alors, tu n'as toujours pas confiance en moi ?!"

Parce que, oui, j'avais peur pour elle. J'étais morte d'inquiétude pour elle ! Fuck, depuis la sale soirée où j'avais vu les faiblesses de la magicienne, j'avais bien remarqué le changement dans son attitude. Dans son comportement. Avant, oui, elle mettait une distance entre nous mais on avait nos cours aux bonnes heures - c'était même moi qui arrivais en retard, pas elle -... Mais maintenant, elle m'évitait, elle s'enfermait dans cette pièce pour... Pour quoi ?! Un grognement passait entre mes lèvres alors que je la lâchais, que je me détournais, passant les mains dans mes cheveux... "C'est moi ?! C'est parce que je t'ai protégé, tu voulais te débrouiller ?! Tu veux que je parte ?! Je sais que... - un mouvement de main dans les airs, de petits moulinets - Je sais que tes amis sont ici, là, alors si tu fous de la distance pour me faire comprendre que je dois dégager, dis-le ! Franchement, je dis un ramassis de conneries, là, mais je ne comprends pas ! Et ça me fout la haine !"

Mon coeur se serrait dans ma poitrine, se figeait en moi à l'idée qu'elle n'ait ni confiance en moi, ni envie que je ne reste ici... Mais surtout, il me faisait mal de ne pas pouvoir l'aider, de ne pas savoir comment l'aider... Parce que la protéger de ses peurs profondes, je le pouvais. Je pouvais attraper un flingue et l'aider... Mais utiliser des mots pour la réconforter... J'étais novice là-dedans... Je ne savais pas... Ne comprenais pas comment l'aider... Je ne saisissais pas les relations humaines mais, pour elle, je voulais essayer, je voulais vraiment donner de moi-même pour elle ! "Dis-moi tout ! Je ne peux pas t'aider, si tu me caches ton malheur ! Je veux t'aider, Zatou ! Je veux que tu ailles mieux ! Parce que... Parce que ça me fait mal de te voir mal !"

Je les fixais, gardais mes bras croisés, me rendais compte que je faisais peur au petit requin de terre. Pourquoi… Pourquoi est-ce que je… Bon sang… Il fallait que je mette tout ça de côté, que je me concentre, que j’oublie ces satanés moments et que je reste concentrée. Elle était observatrice, je le savais.

Parfaitement.

Elle l’était comme tant d’autres avant elle, si apte à se rendre compte que des éléments n’allaient pas, que je n’étais pas en forme. Ça m’agaçait, intérieurement, de ne pas pouvoir le camoufler à certaines personnes, de ne pas pouvoir dire que j’allais bien… Que ce soit à Bruce, à John ou à Elle. Surtout à elle, en réalité. Pourquoi ? Parce que…

Non, non, non ! Allez, Zee ! Tu n’es qu’attirée par cette rousse. C’est tout !

Ma langue claquait contre mon palais, je voyais la petite créature s’éloigner. Fuir. Bordel… De plus, les mots d’Elsa me percutaient de plus en plus, j’avais envie de répliquer, de lui dire de se taire, avant que mes prunelles ne s’ouvrent de surprise. Sa poigne était bien plus puissante que d’habitude ce qui me faisait serrer les dents avant de me retrouver avec mes ongles sous le nez.

Comme si je ne m’en étais pas rendue compte seule !

Avant qu’elle ne grogne, ne me lâche, qu’instinctivement je vérifiais l’état de mon poigner – l’habitude avec les personnes aux forces décuplées pour x raisons –, que je le fixais, voulant parler, voulant la rassurer… Sauf qu’elle n’avait pas terminé.

MAIS QUE QUELQU’UN LUI METTE UN BOUTON STOP !

Pourtant ses mots me… faisaient mal, je sentais mon cœur de plus en plus serré, mes prunelles devant aisément montrer ce que je ressentais si elle n’avait pas eu le dos tourner, si je ne voyais pas que l’arrière de cet être qui…

M’attirait juste ! Rien. De. Plus.

Je savais parfaitement que ce n’était pas elle, encore moins parce que les autres réapparaissaient, même si le manoir serait ra-vi que je la mette dehors. Non. C’était moi. Moi qui revoyais ces moments, moi qui ne trouvais pas de moyens de lutter contre tout ça. Et ça me frustrait… Enormément.

Et l’entendre dire qu’elle s’inquiétait… ça me…

Jusqu’à percevoir la fin, percevoir les mots disant qu’elle voulait m’aider, que ça lui faisait mal de me voir ainsi. Sauf que je ne pouvais pas tout dire, pas du tout… Idiote de magicienne que j’étais. Idiote, IDIOTE ! Et je n’avais personne pour parler de tout ça… Ce n’était pas Bruce qui serait d’une grande aide au niveau des relations humaines !

Aaaaaaah… Y a des jours où certaines personnes de Gotham me manquaient quand même pour pouvoir discuter de tout ça.

Un soupir, las. Mon regard toujours perdu sur cette silhouette que je ne pouvais qu’observer…

« - C’est bon, je peux parler ? »

Je reprenais contenance, je reprenais le contrôle sur moi-même, du moins… Pour le moment. Il fallait que je parle.

« - Je ne veux pas que tu t’en ailles, Elsa. Même si j’avoue qu’au début l’idée de t’éjecter est venue plusieurs fois espèce de squatteuse car je n’avais pas prévu de me retrouver avec une colocataire qui énerverait les lieux chaque jour. »

Une pause. J’essayais de garder mon ton neutre, mais… Mais les mots qu’elle avait prononcés m’en empêchait. Je n’y arrivais pas du tout…

« - Je te fais confiance, espèce d’idiote. Juste qu’il y a des éléments que l’on ne peut pas… »

Un râle.

« - Des éléments qui peuvent faire mal, perturber. Rappeler de mauvais souvenirs ou tout simplement liés à ce que l’on perçoit de temps en temps. Des éléments que l’on ne peut pas modifier sous peine de changer autre chose, de perturber le fil de ce que beaucoup nommeraient destin. »

Même si dans le cas présent, une attirance était moins grave que ce qu’il était arrivé à Barbara… Ce n’était pas comparable, loin de là et heureusement.

« - Je voudrais comprendre cette ville, comprendre la manière dont elle fonctionne pour… Eviter d’autres événements comme ceux s’étant produit ou tout du moins ne plus perdre le contrôle… Dans le sens où j’étais incapable de réagir… »

Pas le contraire… Et si ça avait été le cas…
Qui aurait pu m’arrêter ? L’aurait-elle fait ?

Je me sentais si… perturbée par cet endroit, par cette personne.

« - Ej siarduov erdnerpmoc ec euq ej snesser, iouqruop ettec ecnaritta tse is etrof. »

Un soupir.

« - Je ne t’en veux pas de m’avoir aidée, pas du tout. Sans toi… »

Ma tête qui se secouait.

« - Sans toi, j’aurais sûrement vécu à nouveau cette phobie sans pouvoir me raccrocher à quelqu’un, en me disant que je risquais une nouvelle fois d’être changée en l’une de ces… choses… »

… Être phobique des poupées et transformée en l’une d’elle, non, ce n’était le rêve de personne.

« - Sans toi, j’aurais sûrement perdu pied à de nombreuses reprises lors d’événements, je me serais demandé que faire. Et si je n’avais pas confiance en toi, jamais je ne t’aurais proposé ces cours, jamais je ne t’aurais laissé aussi longtemps ici. »

Je fermais les yeux, passant une main dans ma tignasse noire avant de m’avancer, mes talons claquant contre le sol alors que j’attrapais avec douceur son propre poignet.

« - J’ai confiance en toi, Elsa. Mais il m’arrive d’avoir peur de ce que je vois, de ce que je peux ressentir, de ce que je peux ou non faire, de mes propres démons… Voire de moi-même dans certains cas. »

Ma poigne se serrant, tout en restant relativement douce malgré la force que je possédais également – bien que moindre à celle d’Elsa ou d’autres – alors que je prenais sur moi.

« - Tu es… Une bouée pour moi actuellement et l’avouer, m’en rendre compte, pour quelqu’un comme moi, ce n’est pas simple… »

Une nouvelle inspiration.

« - J’ai besoin de toi, Elsa. »

Un tss énervé passait entre mes lèvres lorsqu'elle demandait pour savoir si elle pouvait parler. Je pouvais très bien ne rien dire et ne pas m'occuper d'elle, s'il fallait ! Elle n'avait qu'à le dire et voilà ! Têtue, je restais dos à elle en roulant des yeux et en l'écoutant. J'avais envie de répondre, de me défendre, de lui dire que je voulais savoir ce qu'elle avait et non pas savoir qu'elle ne me mettrait pas dehors ! Pourtant… Sa voix me faisait bien comprendre que c'était bien plus sérieux. Qu'en fait, pour une fois, on avait une vraie discussion. Le genre entre deux personnes proches, pas celles qu'on avait quand on discutait magie, occultisme, monstres et démons… C'était différent. C'était réciproque, pour une fois… Je comprenais sa réticence… Ne vivais-je pas la même situation ? En refusant de tout expliquer à la magicienne malgré cette confiance en elle ? Confiance réciproque ? Je taisais cela… Je taisais ce besoin de ne pas être trop proche d'autres êtres humains… Surtout ceux qui ne venaient pas de mon monde. Pourquoi tenir à quelqu'un qu'on ne verra plus ? Je devais rentrer chez moi… Dans mon monde.

Puis sa phrase à l'envers, celle qui me faisait froncer les sourcils, interloquée. Celle que je ne comprenais pas car je n'avais jamais appris à saisir ses mots, à les traduire. Pourtant, certains diraient qu'il n'y avait qu'à inverser les lettres. Les analyser mais cela prenait plusieurs minutes pour une oreille non-habituée. La mienne l'était, elle la côtoyait tous les jours mais elle ne s'était pas faite à ça, à cette façon de parler. Ej, je. siarduov, vou… Voudr… Voudrais… L'attention portée à nouveau sur la magicienne, toujours dos à elle, à son être et à ses révélations… Elle parlait, se confiait qu'elle avait tenu grâce à moi… Jusqu'à sentir ses doigts sur ma peau, le frisson déclenché par le contact entre ma peau brûlante et la sienne un peu plus fraîche, le regard posé sur ce sol, focalisé sur un point en ne bougeant pas… Je voudrais… Puis le choc à ses derniers mots. Ma tête qui se relevait et se tournait, se bougeait en même temps que mon corps pour me retrouver face à elle, le bleu dans le bleu… Océan contre ciel, celle qui avait toujours la tête dans les nuages et les folies perpétuelles, celle qui avait les pieds sur Terre et le pragmatisme. "Besoin de moi ? Tu… Quoi ? Na'… Je…" La dure réalité, celle qu'elle n'était pas la seule à avoir besoin de moi. Qu'un monde était sûrement harcelé de monstres en tout genre lors de mon absence. Un vampire par-ci, une momie par-là… Un monde avait besoin de moi.

Mais l'égoïsme parlait pour une fois. L'égoïsme qui laissait parler ce cœur, que j'avais oublié pendant tant d'années, même avec Cullen, mon propre frère… "Je suis là." Je voudrais… Erdnerpmoc, comprendre… Je voudrais comprendre, ah ça, moi aussi, je voudrais comprendre certaines choses ! Pourquoi j'étais égoïste pour une fois ? "Je sais ce que ça fait d'avoir peur, tu sais ! - un léger rire alors que mon poignet se dégageait de sa poigne - Bon, pas là, maintenant. Mais j'en ai une vachement... Intime ? En fait, j'ai peur que d'une chose et ce n'est même pas de la mort !" Un sourire tout fier, tout arrogant : la Mort ne pourrait pas m'emporter, le collier m'empêchait de mourir. J'attrapais sa main dans la mienne - réflexe, envie, besoin, c'était un geste instinctif, une ancre alors que je me dévoilais -... P'tain, dire que j'étais juste venue pour savoir pourquoi elle m'évitait... Au final... Brr... "J'ai peur de m'attacher aux gens. De vraiment m'attacher, tu vois ? Parce qu'Elsa Bloodstone, il n'y en a qu'une ! Donc, si je m'attache, ça va me détourner de mon but." Je voudrais comprendre... ec euq, ce que... Je voudrais comprendre ce que, quelle phrase ! Elle s'était vraiment amusée, là ! Non mais, franchement, quelle idée de faire des phrases de six pieds de long ! Je secouais la tête et, sans lâcher sa main, j'avançais pour la contourner - et l'obliger à pivoter - et m'asseoir sur le bureau, les pieds bougeant dans le vide.

"Cette ville, il ne faut pas essayer de la comprendre. Elle veut notre peau, un point, c'est tout." Mauvais souvenir de cette obsession que j'avais eu pour la noirette, une moue dégoûtée par la faiblesse de ce jour-là, d'avoir eu l'esprit embrumé par je ne savais toujours pas quelle magie... "Il faut juste la combattre. Enfin, juste, ce n'est pas facile." Le regard à nouveau planté dans le sien, sérieux comme jamais, sérieux comme on ne connaissait que peu la "grande" Bloodstone. Je voudrais comprendre ce que... Ej snesser, je ressens... Un froncement de sourcils. "Que ressens-tu ? Enfin, je ne suis pas la plus calée en sentiments donc... Vas-y mais je ne serai sûrement pas de bon conseils pour t'aider à comprendre !" Plus qu'à traduire la suite, ahah !

La tête qui se secoue, ma main sur elle, sur ce corps si… chaleureux ? Je ne savais pas ma propre température hormis le fait que celle d’Elsa me semblait plus élevée, attirante… Un peu comme une flamme de laquelle il est difficile de s’éloigner. Cela n’avait beau n’être que son poignet, c’était si différent du mien et je n’arrivais pas à retirer ma main.

Non. Je la laissais là, à cet emplacement. Je ne me reculais pas, je parlais, je prenais sur moi… Je la « retenais » comme si j’avais peur qu’elle ne parte soudainement car j’avouais avoir besoin d’elle, avoir besoin de cette rousse au caractère bien à elle, avec laquelle je vivais depuis une bonne année maintenant. Une année à tenter de la comprendre, à sentir l’un de mes organes faire n’importe quoi lorsqu’elle était trop proche.

« - O… Oui… »

Un souffle avant que je ne reprenne contenance.

« - Oui, j’ai besoin de toi… Et je le vois parfaitement que tu es là… Que tu ne prends pas tes jambes à ton cou ou le balai pour fuir au loin. »

Une tentative d’humour. Vraiment tentative… J’étais loin d’être la plus douée des deux. Pourtant je sentais son poignet qui se dégageait, sa voix qui continuait de se faire entendre résonnait dans mes tympans et je la fixais, curieuse. Elle me parlait du fait qu’elle savait, elle aussi, ce que cela faisait d’avoir peur, même si ce n’était pas le cas actuellement avant de…

De quoi ? De sentir sa main dans la mienne, de ne plus savoir que faire.

Aaaaaaaaaah, mais pourquoi avait-il fallu qu’elle fasse ça ?! Bon… On se calme, on se concentre, on tente d’oublier qu’elle… Qu’elle me tient la main… Et que j’ai l’impression de perdre pied en entendant les battements de mon cœur devenir bien plus rapides… Calme… Calme Zee…

Jusqu’à entendre ce qu’elle disait. Peur de l’attachement… Ah… Donc si elle n’avait actuellement pas peur comme elle le disait, cela signifiait que…

Je me mordais l’intérieur de la joue, je continuais de l’écouter, de prendre sur moi. J’hochais légèrement la tête…

« - Je le vois aisément, Elsa. Il n’y a qu’une seule personne comme toi et ton monde a besoin de toi… »

Pourquoi est-ce que ça me faisait si mal de le dire ? De juste mentionner ce fait qui était pourtant connu ? Non… Au fond, je le savais… Totalement… Je n’étais pas seulement attirée… J’étais… C’était bien plus que ça, BEAUCOUP plus que ça… Et j’avais des difficultés à l’avouer, à le dire… Mais je savais que le jour où cet endroit disparaîtrait nous nous retrouverions séparées, que nos vies ne se croiseraient plus. Nos univers n’étaient pas identiques et ce malgré les ressemblances.

« - C’est vrai… S’attacher veut inévitablement dire que l’on souffrira à un moment ou à un autre… Peu importe qui est cette personne, si on est proche d’elle. »

Je le savais et pourtant… Je ne pouvais m’en empêcher, moi. Je m’étais attachée à tant de gens au fil des ans avant de serrer malgré tout sa main. Pourquoi… POURQUOI ?! Je n’arrivais jamais à gérer ce genre de choses, je m’attachais, je me retrouvais dans des situations improbables et… Et… Je serrais les dents. Certains étaient restés des amis, d’autres avaient tout simplement disparus…

Sauf que je ne voulais aucun des deux choix avec elle et ça, c’était ce qui me faisait le plus mal.

« - Si elle voulait réellement notre peau, pourquoi ne nous a-t-elle tout simplement pas tout retiré ? Cela aurait été bien plus rapide, radical… et combattre cette ville n’a rien de simple, nous ne savons même pas où il faut chercher. Même en écoutant les gens nous n’avons rien trouvé de probant. »

Avant de percevoir sa question, de grommeler. Ce que je ressentais ? Oh, bon sang… j’étais mal…

« - Ej sias sap »

Merci la gêne… alors que je dis seulement que je ne sais pas. La honte. Ma tête se baissait à nouveau, je sentais mon cœur battre encore plus vite. En fait… Si…

« - Nom rueoc tab neib port etiv dnauq ut se sèrp ed iom te ej sdrep sem sneyom. Ej en sias siamaj iouq eriaf, ia’j ruep li’uq evirra’t euqleuq esohc… »

Je me retenais, totalement, de faire ce que je désirais. De plaquer tout simplement mes lèvres contre les siennes. Je le pouvais aisément, pourtant, mais… mais je ne voulais pas la voir disparaître de ma vie, la voir s’enfuir, prendre un air dégoûté… De toute manière, j’avais bien compris juste avant… Elle ne devait pas avoir un attachement si important pour moi vu ce qu’elle avait dit… Et pourtant, pourtant je lui répondais. A l’envers, mais je lui répondais et ce sans lâcher sa main…

Sa main. Je jouais avec sa main dans la mienne, avec ses doigts… Je l'écoutais en profitant de ce contact, en m'octroyant un rare moment d'égoïsme. Où je pouvais penser à moi, à moi seule, à ce cœur qui ne servait pas qu'à pomper du sang dans mon être entier. J'étais occupée à écouter l'organe vital, battant dans ma poitrine, mais aussi celle face à moi, cet être si froid en apparence, au regard bleu de glace, bleu mer. Le bleu proche du sol. Celui qui faisait rêver mais avec un rappel : la réalité était ce qui comptait. Sauf que ce bleu me semblait troublé. Il me semblait flou et je ne voulais pas la laisser. Je ne voulais pas partir. Je voulais l'aider, être là pour elle. Je voulais… Bah, je voulais faire revenir la Zatou d'avant. Pas celle… Celle totalement ailleurs, pas là. "On s'en fout de mon monde, là ! Si c'était lui, ma priorité, là, maintenant, je ne serais pas restée, idiote." Le pouce passait sur ses jointures, les caressait doucement. La peur de souffrir ? Non. Pas du tout. C'était… Tellement habituel que j'avais oublié la réelle douleur. L'inquiétude, oui mais la douleur ? Non, ce n'était pas ça qui me faisait peur… Pourtant, je ne l'interrompais pas. Assise sur le bureau, ma main ne lâchait pas la sienne. Elle jouait avec, la caressait, la tournait en un sens, dans l'autre…

Sauf qu'elle repartait dans ses mots à l'envers. Un grognement passait entre mes lèvres et ma main se retirait de la sienne, s'enlevait très vite. Un geste vif, énervé, alors que les mains attrapaient un carnet et un stylo. Que je notais ses mots à l'envers tout en reprenant la parole. "Déjà, c'est de la triche de me rajouter du boulot. Tu ne trouves pas qu'une phrase à l'envers, ça suffit ?" Je voudrais comprendre ce que je ressens était la première partie de la première phrase - vive ma mémoire -. iouqruop ettec ecnaritta tse is etrof. Première phrase, retranscrite ! Plus qu'à faire de même avec le reste. "Ce n'est pas d'avoir mal qui me fait peur. Je suis… Tellement habituée à la douleur. - aaah, ça chatouillait ! Vite, on se frottait le nez et on se remettait à écrire ! - Tu sais, je n'ai jamais connu mon père. Il a décidé de se séparer de ma mère pour nous protéger, il était un chasseur de monstres et il avait peur qu'on soit attaqué. Moi, j'étais hantée par un père absent et des cauchemars de… Momies, zombies, vampires… Bref, un sacré bordel." Ej sias sap, ah, ça, ça allait être simple ! Juste trois mots ! Hé ! "J'ai peur d'aimer quelqu'un… Parce que, si on aime quelqu'un, on ne veut pas mourir. Ou, pire, on voudrait mourir pour cette personne. - un soupir, la main dans les cheveux, je grognais - Moi, je ne peux pas m'offrir ce luxe, tu vois… Je m'empêche, bah, déjà de m'ouvrir comme maintenant. Personne ne sait tout ça, même ma mère, même Adam. La vie de famille, de couple, je ne peux pas. Je ne peux pas à cause de mes obligations… Parce que je ne veux pas avoir un enfant, qui soit obligé de vivre ma vie. Je ne veux pas d'une femme ou d'un homme, forcé à fuir pour sa vie." Un autre soupir, je posais un instant le stylo sur le carnet, me frottant les yeux un instant… Arrête de raconter ta vie, Bloodstone. Elle s'en fichait de savoir tes états d'âme… Elle s'en fichait, parce que tout le monde s'en fichait… "Pardon, j'arrête de… Parler de ça. Ce n'est pas le sujet !" Un rire nerveux, secouant la tête.

Nom rueoc tab neib port etiv dnauq ut se sèrp ed iom te ej sdrep sem sneyom. Ej en sias siamaj iouq eriaf, ia’j ruep li’uq evirra’t euqleuq esohc, oh le bordel ! "Je te déteste, princess !" Petit à petit, je traduisais les mots en les remettant à l'endroit. "Moi, j'aurai plutôt râlé sur le fait de nous prendre tout pour, ensuite, nous en donner de trop… Jusqu'au jour où elle reprendrait pour nous faire souffrir." Je voudrais comprendre ce que je ressens, pourquoi cette attirance est si forte... Quelle attirance... les sourcils se fronçaient, imitaient une grimace des plus uniques. Je sais pas, donc, ça, sûrement qu'elle ne savait pas ce qu'elle ressentait... Mon coeur bat bien trop vite quand tu es près de moi et je perds mes moyens... Hein ? Moi ? Son coeur ? De quoi... Je ne sais jamais quoi faire, j’ai peur qu’il t’arrive quelque chose... "Je..." J'aurai pu être heureuse. J'aurai dû, sûrement, mais... Mais non. Je ne pouvais pas. Je ne pouvais pas accepter et dire que je comprenais ses mots, ses... Ses quoi ?! Sentiments ?! Attirance ?! Mon coeur battait, fort, puissant au creux de ma poitrine... Je le sentais frapper si fort en moi, il me murmurait d'être heureuse, d'apprécier cet instant, d'apprécier, le temps de quelques minutes ou plus, d'être humaine, d'être juste une femme. Pas une chasseuse de monstres...

"Je ne peux pas. Je viens de te l'expliquer. Moi, ce que je veux, c'est partir de cette ville, retourner chez moi... C'est redevenir la chasseuse de monstres, de les exterminer... Pas de... Rester ici, avec toi... Pas que... Enfin... Je dois juste rentrer chez moi, c'est tout." Je me levais du bureau. La fuite. Moi qui ne fuyais jamais, je préférais me tourner vers la porte, marcher pour sortir de cette pièce... Les poings serrés, la mâchoire crispée... Bordel !

Un souffle… Je le savais, je le savais totalement que j’aurais dû me taire, ne pas me laisser aller, ne pas parler. Que j’aurais dû tout garder pour moi… Je savais qu’elle ne comptait pas rester ici – de toute façon, je savais bien que nous retournerions un jour chez nous – et pourtant… Pourtant j’avais craqué sur elle. Plus que craqué même…

Et je ne comprenais pas réellement tout ça.

Oh, amoureuse je l’avais déjà été. J’étais sortie avec Bruce, John et d’autres êtres divers et variés. Je connaissais ce sentiment, mais… Je savais que je ne les perdrais pas, normalement. Même si… ça avait mal terminé, à chaque fois.

Comme maintenant alors que rien n’avait vraiment débuté…

Un râle. Les mots qui venaient à nouveau.


Et je la fixais, je m’avançais pour attraper son bras. Ennuyée. Je m’en voulais… Terriblement. Pourquoi… Pourquoi avais-je dit tout cela ? Pourquoi ne m’étais-je pas tue ? Pourquoi est-ce que je ressentais tout ça ? Je la regardais, mon cœur serré.

« - C’est rare… Que tu parles de ta famille… Et ça ne m’ennuie pas du tout, que ce soit ou non le sujet… »

Un soupir. Léger, je ne savais même pas ce que les autres auraient pu percevoir de moi s’ils m’avaient regardée actuellement. Je me sentais… Fragile ? En fait, je ne savais même pas si mon sort avait fonctionné vu mon état d’esprit et je m’en fichais.

« - Je sais que tu devras retourner dans ton monde, Elsa. Que tu devras affronter à nouveau d’innombrables monstres, protéger autrui. Je le sais parfaitement… »

Souffrance. Mon cœur me faisait mal en prononçant ces mots.

« - Je l’ai bien compris. Tu n’as pas besoin de fuir. »

Pourquoi est-ce que j’avais l’impression que quelqu’un serrait mon cœur dans un étau ? Pourquoi est-ce que j’avais envie… d’exploser quelque chose en sentant tout ça ? Je n’étais pas la colérique des deux. Je n’étais pas… Je n’étais tout de même pas triste de sa réaction, si ?

Etais-je…

Mince…

Cette boulette n’était pas anodine… Et…

« - Je t’apprécie réellement, c’est pour ça que j’ai peur qu’il t’arrive quelque chose. C’est pareil pour cet idiot d’homme chauve-souris. »

C’est ça, tente de te rattraper… Comme si elle allait avaler ça alors que tu lui avais clairement fait savoir que ton cœur s’emballait… Ah que je pouvais me détester dans de tels moments… Que je pouvais… Non… Arrête de te mentir… Ce n’est pas juste parce que tu l’apprécies… Pas juste parce que…

Non, j’avais clairement un béguin pour elle. Ce qu’elle ne voulait pas, elle l’avait bien fait comprendre. Et sa fuite m’avait blessée bien plus que ses mots… La voir tenter de filer avait été tel un poignard que l’on retournait dans mon cœur. Je n’étais concentrée que sur elle, que sur cette rousse que…

Je faisais, moi, fuir.

Alors que c’était tout ce que je ne voulais pas… Je ne voulais pas la voir s’en aller, disparaître… J’avais tout fait, jusqu’à maintenant, pour réussir à me dire que c’était normal, que ça m’allait parfaitement de l’avoir juste comme colocataire… Qu’au mieux nous pourrions être amies… En plus de collègues… J’y arrivais au fil du temps jusqu’à ce qu’elle me demande de dire tout ce que je ressentais… Jusqu’à ce moment-là où ma manie de parler à l’envers était revenue.

Et j’avais peur. Peur de ne plus jamais la revoir à cause de ça…

Idiote. Idiote de Zee. Idiote de magicienne qui était bien trop sûre d’elle la plupart du temps, mais qui perdait tout de même ses moyens dans de tels instants. Je serrais, malgré moi, mes mains autours de son bras. Je ne m’en rendais même pas compte alors que toute ma crainte devait transparaître.

Et j’avais peur de savoir ce qu’elle pensait. Peur d’employer ma télépathie et de découvrir que…
Qu’elle ne voulait plus me voir.

Tout se mêlait en moi. Tout. Et le souci lorsque notre magie est également liée à certains éléments ainsi… C’est que tout peut partir en vrille aisément. Alors je me taisais, je n’osais plus ouvrir la bouche, je me retrouvais à avoir les yeux baissés.

Bon sang. Pourquoi est-ce que j’étais dans un tel état à cause de ça ? Parce que c’était de ma faute si elle s’en allait alors qu’elle s’était inquiétée juste avant ?

J’étais même sûre qu’un simple sort de lumière ferait n’importe quoi tant mon cerveau était en vrac. Un brouhaha de mots, un brouhaha dans lequel je n’arrêtais pas de me dire que j’étais la fautive, que jamais je n’aurais dû prononcer ces mots. Avant de ne plus réfléchir, que les mots ne passent mes lèvres.

Sauf que je n’étais plus réellement en état, que tout se faisait naturellement.

« - Ej siarved et ressial te aller rella sruellia… »

« Je devrais te laisser et aller ailleurs », à l’envers… Alors que je sentais parfaitement que ma magie partait en vrille, que je n’étais pas dans un état émotionnel adéquat pour… Ce qui faisait que… Que quoi ? Qu’au lieu d’une téléportation, je m’étais purement envoyée vers l’arrière, lâchant sa main et fichue dans une pièce créée par l’altération de la réalité. Tout en me mangeant le mur… Sinon ce n’était pas marrant.

Idiote. Idiote !

Un mur. Enfin, plutôt une fuckin' porte ! Bloquée par la magicienne ! Sans même hésiter un moment, j'attrapais le pistolet à ma ceinture - quoi ? Je suis la seule à avoir ça, toujours ? Genre, toujours ? Réellement ? - pour le brandir, viser ce bout de bois et l'exploser d'un tir. Le doigt sur la gâchette, je m'arrêtais en sentant les mains sur mon bras, en sentant sa poigne. Mâchoire serrée, j'abaissais le bras, la sécurité remise pour éviter un souci, pour éviter que le coup ne parte tout seul… Je ne me retournais pas car je n'aimais pas le timbre de sa voix, je n'aimais pas son intonation et je n'avais pas envie de voir son expression, de voir son visage exprimant la même… Faible, touchée… "Lâche-moi, Zatanna." Une voix complétement différente, une nouvelle résolution au fin fond de mon cœur : créer une distance… Créer une réelle distance… Même si je souffrais intérieurement, de savoir qu'elle avait besoin de moi. Qu'elle se sentait proche de moi et… Fuck, j'avais laissé l'Homo Magi s'attacher à moi… S'attacher… Hein… Ouais… Je ne valais pas mieux qu'un autre, en fait… L'idée me faisait grimacer et, en même temps, me rassurait : si elle n'était pas si attachée à moi, je n'avais pas de souci à me faire. Le grognement passait pourtant, résonnait au creux de ma gorge. "Eh ben, on doit être un tas de cons alors à te faire perdre tes moyens." Une voix acide, froide… Je fermais les yeux : bordel, Bloodstone, arrête ce cinéma ! Ferme ta gueule et pars !

"P'tain, tu ne sais pas arrêter avec tes phrases à l'envers ?! Si tu ne veux pas que je les comprenne, ne les dis pas, tout simplement ! Ça nous aurait évité tout ce bordel !" La prise qui se dégageait, la liberté de nouveau acquise et l'arme qui se levait à nouveau, qui menaçait cette porte de son canon… Le tir partait, en plein dans la serrure, une détonation. Détonation frappant de plein fouet les murs en même temps qu'un autre son. Un son de chute. Un regard hasardeux derrière moi, vers cette pièce qui se créait autour de la silhouette de Zatanna. La main qui se crispait sur la crosse, les doigts qui se serraient et se retenaient de tirer d'autres coups dans l'air, par pure colère de ma part. Par pure rage ! Rage, douleur, duel interne… Pourquoi m'avait-elle lâché ça ?! Pourquoi se cachait-elle ?! Surtout qu'elle avait du être la source de ce bruit, elle avait du se faire mal… Putain ! "Fuck you, Zatanna ! - le corps qui se tourne, se met face à cette porte créée par la magie - Tu dis savoir que mon monde a besoin de moi ! - un coup était finalement tiré, pas par l'arme mais par ma main, un rayon orangé brisant un pan de la bibliothèque - Mais tu me sors un truc pareil quand même ?! Puis, là, tu me sors un truc comme quoi, c'est "normal", en gros ?! Que tu as ça avec tous tes potes ?! - un autre rayon, le bureau scindé en deux - C'est quoi, ton but ?!" La pierre brûlait, me faisait mal… Ma main me faisait souffrir, pour une fois, et irradiait de cette même lueur orangée que les rayons précédemment tirés.

Je jetais l'arme au sol et venais désactiver cette pièce qu'elle venait de créer pour se cacher. Au moins, ça, j'avais retenu. Ça avait été un des premiers cours : comment rattraper mes potentielles boulettes en annulant un sort. De la main normale - pour éviter de la brûler avec l'autre, j'étais peut-être énervée, surtout contre moi-même, mais je ne voulais pas lui faire de mal -, je l'attrapais par le haut pour la soulever, pour la mettre sur ses pieds. "C'est quoi ton cinéma ?! Hein ?! C'est quoi ton but ?! Que je sois la méchante ?! Peut-être ! Mais je n'ai jamais caché que je ne recherchais pas quelque chose de sérieux ! Toutes mes relations ne duraient qu'un soir ! Je n'ai jamais caché mon désir de rentrer chez moi ! J'ai fait une erreur : rester à tes côtés." J'essayais de calmer mes émotions, de me maîtriser un peu, de la déposer avec un peu plus de douceur pour qu'elle soit debout… Pour que ma voix ne soit pas que des poignards destinés à lui transpercer le cœur. "Je suis… Désolée, si j'ai, un jour, pu te faire croire que je pourrais rester, que je pourrais abandonner mon monde pour toi… - un soupir, un relâchement de toute la rage, bien que mon corps continuait de trembler de cette chaleur si puissante en moi - Je te considère comme l'une de mes rares amies, une alliée… En fait, tu es sûrement ma seule amie... On ne dirait pas, hein ? Hé, hé... - un léger rire acide, celui d'une femme qui n'avait presque pas connu ce concept : l'amitié, même avant la mort de mon père, les gens m'évitaient - Je ne veux pas qu'un bordel, comme le couple, l'attirance, l'amour ou je ne sais pas quoi d'autres, vienne foutre la merde là-dedans… Parce que… Mon devoir gagnera toujours." Oui. Oui, malgré cette voix, malgré mon coeur qui me donnait la permission d'être égoïste... Malgré ce petit pas vers cette voie où je ne penserais qu'à ma petite personne... Je ne déviais pas. Je ne pouvais pas. Des gens comptaient sur moi et je savais... Qu'il fallait sacrifier tout le reste pour ça. Qu'il fallait sacrifier ce que je pouvais, un jour, ressentir envers une personne, que ce soit Zatou ou une autre... Telle était ma destinée : combattre jusqu'au jour où je pourrais enlever le collier...