L’enfant ne comprend pas ce qu’il se passe sous ses yeux, ce qu’il vient de vivre. L’homme qui est debout, qui vient d’abattre ses parents sans une once de compassion dans cette ruelle afin de leurs prendre leurs bijoux et leur argent. Lui… Il est si frêle, si fragile que la seule chose qu’il arrive à faire est de crier, appeler à l’aide. Sa voix porte, il ne réfléchit plus, fait cette seule action qui lui semble logique car il n’est pas rassuré, ne sait pas quoi faire de plus. L’homme se détourne, fuit après ce double-meurtre vu par le jeune Bruce Wayne. Un double-meurtre qui le marquera, lui donnera envie de se venger et le mènera dans le futur à devenir le chevalier noir : Batman.

Je m’élance dans les rues de Gotham à la poursuite d’un criminel. Silencieusement, telle la chauve-souris que représente mon emblème, je le suis de loin avant de l’acculer dans une décharge. Je m'approche de ma cible, de cet être venant de faire le « mal » et vendant de la drogue. Il refuse de m’écouter, de se rendre gentiment et me tire dessus. La police est encore loin au moment où je pose ce geste qui lui sera sûrement fatal. Sautant sur la pile de voitures afin d’éviter un tir, sur ce monticule ne tenant que par miracle et que je sens ployer sous mon poids, j’attends le bon moment. Ils partent en direction de cet être qui s’est trouvé sur ma route, cet être que je n’ai pas sût arrêter autrement. Je quitte mon promontoire sans attendre, laissant les voitures s’effondrer sur cet homme de l’ombre, sans un véritable regard en arrière. Le bruit des sirènes résonne dans l’air ambiant pendant que je quitte les lieux, laissant seulement un tas de voitures par-dessus un homme dont je ne savais au fond pas grand-chose. Un individu qui était mort par ma faute et avait peut-être une famille. J’aurais dû trouver une autre solution pour l’arrêter, pour l’emmener à Arkham, mais je ne l’ai pas fait. Et cette simple action pour me protéger, moi, lui avait coûté la vie.

Sauf qu’il n’était pas le premier, le seul de ma liste à être passé de vie à trépas… Elle était courte, certes, contrairement à d’autres, à ces êtres après lesquels je courais chaque nuit sans interruption. Ces morts étaient souvent liés à de la légitime défense. Intérieurement, je me faisais la promesse de ne plus tuer, mais est-ce que cela touchait les dégâts collatéraux ? Ceux liés aux êtres qui mourraient sous mes yeux sans que je ne puisse réagir tel cet homme au monocle que je frappais et qui finissait embrocher par une épée que je n’avais pas aperçue ou ce sbire du Pingouin que je brûlais vivant avec le réacteur de la batmobile car ce dernier se trouvait trop près du véhicule ?

Non. J’allais en faire ma manière de penser. Ne pas tuer inutilement, ne pas tuer ces êtres parcourant les rues de Gotham même s’ils étaient les plus vils. Cela ne servirait à rien, si l’un d’entre eux venait à mourir d’autres prendraient sa place et pour un mort, il y avait deux vilains en plus à pourchasser. Si je voulais sauver Gotham, rendre la ville plus sûre, il fallait que je sois le « héros justicier » et non plus un hors-la-loi aux yeux de la police. Et pour ça il y avait du travail, beaucoup de travail…

La chauve-souris, l’emblème du héros de Gotham, la peur profonde de Bruce Wayne depuis qu’il est tombé dans ce puits enfant. Cet endroit froid, lugubre, d’où son père a dû le sortir et dans lequel une nuée de chauve-souris lui avait foncé dessus, qui l’avait empêché de réagir, fait paniquer. Cet animal choisit le jour où il est réapparu dans le manoir Wayne pour devenir le symbole de l’alter-égo de Bruce Wayne alors qu’il réfléchissait avec Alfred sur ce qu’il pouvait faire. Ce mammifère volant se retrouvant sur chaque élément de la tenue de Batman au point de leur donner sa forme caractéristique. L’homme d’affaire appelle l’un de ses amis, lui demande de l’aide pour la tenue qu’il portera la nuit avant de modifier cette dernière, de l’habiller de noir et de la tester. Doucement, mais sûrement la vie de Bruce prend un tournant. Ce n’est plus Batman l’alter-égo, mais le playboy milliardaire qu’il est le jour, qui gère Wayne Enterprises et tente de venir en aide aux citoyens de Gotham avec son argent.

J’étais seul si l’on retirait Alfred qui m’aidait au manoir et Gordon qui utilisait le batsignal pour me prévenir qu’il fallait que j’agisse. J’étais un être solitaire, un être de la nuit qui pourchassait les vilains. Personne n’avait fait le rapprochement entre Bruce Wayne et moi, personne ne se doutait de qui se cachait derrière ce masque si l’on omettait les rares êtres que j’avais mis au courant. Pourtant, l’un d’entre eux découvrit mon identité, n’eut aucun mal à deviner qui j’étais réellement. Hugo Strange. Pour prouver la vérité, il envoya un assassin, mais je l’avais doublé… Au sens propre. Une doublure avait pris la place de Batman, pendant que je m’affairais dans une soirée mondaine en tant que Bruce Wayne. Il était impossible que je me trouve à deux endroits, ce qui le discrédita aux yeux de tout Gotham, lui fit perdre la tête. Cela ne l’empêcha pas de garder son idée, de continuer de croire que j’étais Batman. Il avait raison, mais ne le cria pas sur tous les toits par la suite gardant cette information confidentielle.

Sauf que les vilains la connaissant commencèrent à augmenter, l’Homme-Mystère avec qui je n’eus d’autre choix que de faire un marché, de le « payer » afin de taire son silence alors qu’il me lançait simplement que « tant que Batman reste dans la partie, le jeu continue » juste après. Le prix à payer ? Mon silence par rapport au vol d’un des puits de Lazare appartenant à Ra’s Al’Ghul. Même ma Némésis la connaît en réalité, n’hésite pas à venir dans la batcave avant de filer, mais lorsque je tente de la lui dire ses réactions sont toujours les mêmes. Joker fait tout pour ne pas m’entendre. Aux yeux des vilains de Gotham, seul Batman est important. Bruce Wayne n’est que mon alter-égo, celui qu’aucun d’eux n’attaque réellement. Comme s’il y avait un traité de paix entre l’homme d’affaire que je suis le jour et eux.

Le jour était l’apanage de Bruce Wayne, de cet humain sans aucun pouvoir, de celui se transformant en Batman la nuit. Un être vivant comme un autre qui avait décidé de vivre pour se venger, pour faire disparaître le mal. Cette solitude nocturne n’existait pas la journée, l’homme était tout le temps entouré, répondait à des questions, faisait le joli cœur alors que sa psyché gardait sa noirceur. Il en avait eu des aventures, aux fins multiples. L’une de ses anciennes conquêtes étant devenu Phantasm, s’en prenant à lui lorsqu’il était Batman. Une autre étant Catwoman qu’il avait rencontré sous ses traits de Batman, à qui il donna sa véritable identité. Et puis il y avait eu Talia, la fille d’un de ses pires ennemis, qui donna naissance à Damian. Toutes ces relations s’étaient construites, décousues au fil des ans… Mais il n’y avait pas qu’au niveau sentimental où tout pouvait se ruiner en une fraction de seconde.

La Batfamily s’était créée, petit à petit. Il y avait toujours Alfred, mais Dick s’y était ajouté devenant le premier Robin lorsqu’il découvrit mon secret. Le premier enfant que j’avais adopté, dont je devenais le mentor et que je voyais grandir. Mon premier coéquipier, celui portant une tenue chaleureuse rappelant le rouge-gorge et non pas la chauve-souris. Jusqu’à ce que nos opinions diffèrent suite à une blessure au dos provoquée par le Joker, qu’il devienne Nightwing, que je sois seul durant quelques temps…

Jusqu’à l’arrivée de Jason. Un garçon plutôt agité, un nouvel être que je prenais sous mon aile suite à sa tentative de sabotage de pneu et endossant le même costume que Dick. Un nouveau Robin, le deuxième… Celui au destin funeste. Comment aurais-je pu deviner que Joker s’en prendrait directement à lui de cette manière, « jouerait » avec lui en le brisant jusqu’à la mort du jeune homme, de cet être ayant compté pour moi. La douleur est telle que je refusais de prendre un nouvel équipier, que je pensais à prendre ma retraite. Je m’en voulais, j’en voulais au Joker. C’était ma faute s’il était décédé.

Sauf que cela ne s’arrêta pas là. Non. Alors que je sombrais dans la violence, que je ne maîtrisais plus mes coups contre les criminels depuis la mort de Jason au point de les envoyer à Arkham dans des états proches de la mort, une nouvelle personne apparaissait dans ma vie. Un garçon qui n’avait pas froid aux yeux, qui n’avait pas hésité à aller voir Dick, à demander de l’aide à Alfred. Tim. Le troisième Robin, celui qui permit à ma rage de se calmer. Malgré mon peu d’enclin à avoir un nouvel équipier, malgré la peur de le perdre comme j’avais perdu Jason, je me retrouvais à admettre qu’il avait du potentiel suite à la capture de Double-Face. L’entraînement commença pour lui, mais je restais sur mes gardes malgré tout sachant que les vilains de Gotham n’hésiteraient pas à le détruire. Au point que je revenais sur ma décision lorsque ses parents furent kidnappés. J’avais peur qu’il ne sombre lui aussi, rongé par la rage et la vengeance. Sauf qu’il dépassa mes attentes en me délivrant ainsi que Vicki de l’Epouvantail.

Et enfin, il y a eu Damian… Mon fils biologique, celui que j’ai eu avec Talia et que je n’ai découvert que des années après. Élevé en tant qu’assassin, dès son arrivée il tenta de prendre le rôle de Robin par la force à Tim l’attaquant par surprise, tentant de le tuer. Je ne voulais pas y croire, croire que ce jeune garçon était réellement de moi, mais suite à un test ADN j’eu la réponse… Réponse que seule Alfred connaissait. Damian était réellement mon fils… Et j’allais avoir du mal à lui inculquer ma règle d’or, celle avec laquelle j’avais parfois moi-même du mal : « Ne pas tuer ». Lui aussi a fini par me suivre dans les rues de Gotham devenant ainsi le quatrième Robin, le dernier , le plus imprévisible et celui suivant le moins cette règle de la Batfamily et n'hésitant pas à le faire savoir…

La vie était ainsi faite, jour et nuit se succédaient. Bruce et Batman également faisant que les liens entre les gens changeaient en fonction de si le masque était ou non porté. Mais aux yeux du héros de Gotham, il n’était que Batman, Bruce étant sa double-identité, celle employée pour cacher qui il était réellement lorsque la lune se levait, qu’il enfilait sa tenue de justicier. Il s’était lié à tant de monde, au point de faire une promesse qui ferait en sorte de l'empêcher de tuer sa Némésis même. Cette promesse faite à Gordon alors que sa fille subissait elle aussi une attaque du Joker, cette demoiselle qui avait été l’une de ses alliées, qui avait été Batgirl devenait paraplégique.

Mais à Gotham, il n’y avait pas que la Batfamily, les Birds of Prey ou la Ligue des Assassins. Non, au fil du temps un autre groupe se créa grâce à moi et Kate afin de protéger la cité des nombreux « vilains » la peuplant. Les Chevaliers de Gotham, un groupe dans lequel se trouvait des êtres variés, des habitants de Gotham ayant fait le choix de se battre pour défendre cette ville dans laquelle ils vivaient. Un groupe dans lequel se retrouvait de temps en temps des vilains, s’amusant également à changer de camp lorsqu’il le fallait, à nous venir en aide car la situation l’exigeait. Bien entendu, chacun des éléments en faisant parti continuait également sa vie, autant civile que les autres pouvant exister, tout en n’hésitant pas à travailler en solitaire, avec les membres de son groupe originel. Chacun avait sa manière de faire, de se battre, ses aspirations… Comme chaque groupe en réalité.

La Justice League, ce regroupement de héros différents. Certains aux origines humaines, d’autres aux capacités surnaturelles. Un assemblage pouvant sembler surprenant, regroupant des caractères différents et souvent forts, des êtres aux buts et aux « règles » variants en fonction de chacun d’entre nous. Nous l’avons créée, cette ligue, avec Superman et Wonder Woman – formant avec moi la Trinité – suivit de peu par les autres membres originels : Green Lantern, Flash, Aquaman et Cyborg. De temps en temps d’autres êtres s’ajoutaient, tel que Hawkgirl, mais nous vivions tous nos vies, faisions nos missions en travaillant de temps en temps de concert s’il le fallait. Chacun possédait sa zone d’action, mais tous savaient qu’il était possible de demander de l’aide, d’en recevoir. Moi qui voulais travailler seul, à l’origine, je me retrouvais dans deux groupes distincts : La batfamily qui ne faisait que croître au fil du temps et la Justice League.

Et puis il y a eu la disparition de Clark… Sans que nous ne puissions la comprendre, sans que nous n’ayons la moindre piste. Il avait disparu, du jour au lendemain, et en compagnie de Diana nous avions commencé les recherches. Nous voulions le retrouver, il ne pouvait pas avoir été effacé de la surface terrestre et nous mettions tout en œuvre pour trouver une piste. Comment aurais-je pu prévoir que je disparaîtrais également tout comme d’autres êtres que j’avais connu, que je me retrouverais dans cette ville inconnue ?