"Plus fort !" Le coup retombait sur mes poignets et, malgré la posture de mon corps, prête à recevoir n'importe quel coup, mes pieds glissaient sur le ciment et me faisaient reculer de plusieurs mètres après la puissance de l'impact. Je secouais légèrement les poignets en sentant tout de même la douleur, certains de mes os ayant dû rendre l'âme. "Je t'ai dit plus fort ! J'aurai dû finir dans le mur, si tu avais tout mis dedans !" Mon regard se posait sur la rousse face à moi, cette équipière d'entraînement. A moi, d'apprendre la façon de combattre des chasseurs, des Anges sans aile... A elle, d'arriver à utiliser sa pleine puissance sans finir cet être enragé dont elle avait toujours peur. "Si tu as peur de ta propre force, tu perdras réellement le contrôle."

Depuis Halloween, beaucoup de temps s'était passé. Depuis son attaque, depuis la mienne... Les voix hantaient toujours mon esprit, venaient me pervertir, la nuit lorsque j'étais seule... Ou le jour, lorsque la vivacité de la journée s'apaisait... Je n'y cédais plus, même si la tentation était forte, même si leurs mots étaient toujours aussi vrais, aussi forts. La véracité de leurs propos était troublante, tant elle parlait avec aisance à mon coeur. J'avais compris qu'elles n'étaient que les incertitudes de ma vie, qu'elles étaient puissantes, seulement si je leur en donnais l'occasion, si mon avis était nuancé par leur langue de vipère. Elles m'avaient affaiblie en me poussant à attaquer la rousse, l'Ange dont je portais avec malheur la culpabilité. Celle de son ruban arraché, tranché par mon épée... Jamais, je ne pourrai me pardonner de lui avoir fait du mal. D'avoir frappé comme si elle était un ennemi qui ne pouvait tomber, que sous ma puissance réelle. Du temps s'était écoulé entre cette soirée malheureuse et aujourd'hui, un temps où j'avais appris à faire confiance à l'Asgardienne. Où on avait appris l'une de l'autre, autrement que par nos premières rencontres aussi étranges les unes que les autres...

J'avançais à nouveau pour être à son niveau, pour reprendre cet entraînement. Si la folie meurtrière ne m'était pas connue, à part pour cette fois où les voix avaient pris le contrôle sur moi, Aldrif m'avait bien appris qu'elle avait peur de sa propre folie. Qu'elle ne souhaitait pas perdre le contrôle, à nouveau. J'essayais d'utiliser ce que je savais grâce à Antiope, Clark, Bruce... Pour l'aider. User de mes connaissances pour l'assister et permettre, ainsi, de racheter l'erreur. La grave erreur qu'était celle de lui avoir fait mal, de l'avoir blessée à plusieurs reprises. "Apprends à utiliser toute ta puissance et à la maîtriser. ça t'empêchera de devenir ce que tu ne veux pas." Mes poignets se secouaient légèrement, les os se soudant à nouveau, prêts à recevoir un autre choc. "Elle n'est qu'un boulet, tu devrais simplement l'abandonner." Sous les mots, les paupières se fermaient, s'empêchaient de voir comme cette voix, gardaient cette vision de la rousse comme d'une partenaire d'entraînement... Comme l'une de mes rares amies, sur les terres de Burning. Lentement, mon visage se secouait, faisait s'échapper les murmures du serpent tentateur au fin fond de mon esprit.

"Elle profite de ta gentillesse. Elle profite du fait que tu tiens à elle. Elle le sait même si elle joues les innocentes." Un soupir. "On sait qu'elle ne l'est pas !" Un second soupir : "Allez, frappe à nouveau." Je préférais prendre des coups que donner de l'importance à ces mots, qui sonnaient creux dans mon esprit. Car, même si je la considérais comme une amie, je ne pouvais tenir à elle comme ces susurres le sifflaient au creux de mon oreille. Même si nous avions passé une nuit ensemble, même si l'Ange avait ce côté tactile et cet irrespect de la sphère privée. Même si elle était restée, elle m'avait aidé, ce jour-là, près de la mer. Elle ne m'avait pas abandonnée, ne m'avait pas laissée là ou ne s'était pas vengée de ce que je venais de lui faire injustement vivre... A chaque fois, ses bras étaient revenus autour de mon corps tremblant, pour me rassurer et m'empêcher de faire un carnage. Elle avait été une bouée...

Surprise, distraite, je prenais le coup sans utiliser d'appui pour m'empêcher de voler. Je traversais la pièce et finissais dans l'un des murs, heureusement protégé par une bonne masse de matelas... "Woh..." Je me relevais en soufflant, reprenant doucement mes esprits. "Heureusement que Bruce avait prévu le coup, quand j'ai dit que je venais m'entraîner..."

Un choc, cette crainte toujours présente, tapie au plus profond de moi, qui ne s’éloignait que rarement. Cette peur que je n’arrivais pas à faire partir depuis que j’avais perdu les pédales, contre laquelle je me battais… Cette rage purement…

Berserk…

C’était le mot adéquat… Résultat, je me retenais, je tapais moins fort que d’habitude… Je ne voulais pas sombrer à nouveau, sentir toute cette rage démultipliée, ce désir de détruire encore et encore. Blesser les gens, les rares dont je m’étais rapprochée.

Cette part de moi ne voulant plus perdre quelqu’un bien présente.

Mes rubans bougeaient, le second ayant été réparé, remis en état, cet élément lié à moi… Cette douleur que j’avais ressentie ce jour-là au moment où il avait été coupé, qu’il ne m’en restait plus qu’un, que j’avais juste… Juste quoi ? Souffert ? Oui… Une souffrance que peu de gens pourraient comprendre car aux yeux de beaucoup ce n’était qu’un élément extérieur.

Peu se rendaient comptent qu’ils étaient liés à moi.

Je fixais la femme, celle avec qui je m’entrainais, sur laquelle je donnais des coups en réalité… Qui tentait de m’aider, cette Amazone à la force bien présente, aux odeurs me titillant, même si je n’y prêtais actuellement pas attention, que je restais concentrée sur ses mots, sur ses gestes. Je tentais de faire taire cette soif, cette rage qui grognait en moi…

Parce que si je perdais le contrôle, ici, je ne savais pas dans quel état les lieux finiraient… Aussi solides soient-ils. Ma mâchoire se serrait, mes poings également alors qu’un des rubans s’enroulait doucement autour de moi. Ce mal être toujours présent depuis ce jour, que je tentais de camoufler. Ce désir de tout détruire, réduire en cendre, de ne pas me rendre réellement compte de ce qu’il se passait…

« - Tss… Ouais, ouais, j’arrive »

Plus un grognement qu’une véritable réponse. Je regardais mes mains, mes paumes que je savais capable de faire des carnages et les rubans qui sifflaient doucement non loin de mes oreilles, qui vivaient à leur façon. Un râle, mes pieds se décollant du sol, mon corps s’élançant, donnant un énième coup… La chair contre la chair, un être que je voyais reculer suite au choc, se prendre le mur matelassé – ce que je trouvais tout de même étrange, bien que pratique – et souffler par la suite.

Résistante, elle l’était. C’était indéniable. N’importe qui serait en miette, je le savais… Mais elle, elle se relevait toujours, parfois en prenant quelques instants pour se reprendre. Je secouais la tête, maugréant.

« - Toujours pas… »

Plus fort, encore plus fort…

Et dès que je me disais ça, cette crainte revenait.

« - T’étais pas concentrée ou alors t’es devenue en mousse en quelques instants ! »

Un râle, j’étais pas dupe. Ce n’était pas normal qu’elle vole suite à l’un de mes coups, du moins les actuels, alors je la fixais. Naturellement l’un de mes rubans fusait, ayant du mal à ne pas agir également, à ne rien pouvoir faire. Eux aussi avaient besoin de bouger, de se mouvoir, de se défouler et ce même si c’était juste pour frapper les matelas.

Je reprenais un appui sur le sol, me propulsant, la « claquant » contre le mur et la fixant droit dans les yeux. Qu’elle soit déconcentrée ne me dérangeait pas plus que ça, au fond, mais je voulais voir également ce qu’elle ferait.

« - Trop facile… »

Avant de me mordre la joue, de sentir à nouveau… Tout ça en moi. Une proie. Voilà comment je voyais les gens, la majeure partie du temps, telles des proies potentielles et ça… Un nouveau grognement.

NON

« - Chier… »

J’avais peut-être trainé un peu de trop avec des gens aux langages assez… bref. J’en avais rien à faire de la sphère privée, de ma manière de parler. Fille d’Odin ou non, ce n’était pas LUI ni sa femme qui m’avaient éduquée.

Un nouveau coup dans le matelas, je sentais mon poing s’enfoncer. Je me combattais… Moi-même au fond… Et pire encore lorsque je pensais à cet homme que je n’avais pas connu, dont je devrais me foutre comme de l’apparition de la première goutte d’eau.

« - Et si on faisait un VRAI combat ! Je suis la seule à frapper, là ! »

À nouveau, les os des poignets se brisaient sous le choc et je devais attendre, le haut du dos en partie reposé sur le matelas contre le mur. Un instant de calme, au milieu de ces voix qui se taisaient à nouveau, de celle de la rousse qui résonnait doucement dans la cave de Bruce. Dans cette grotte des plus impersonnelle mais qui était l'endroit le plus sûr pour s'entraîner… Un soupir s'échappait d'entre mes lèvres lorsqu'elle faisait la remarque, la tête tombait et rejoignait mon dos. Se reposait un instant sur le matelas alors que les paupières se fermaient, profitaient de l'obscurité… "Deux secondes, s'il te plaît…" Pas un essoufflement, pas un épuisement. Des états que je ne connaissais mais un besoin de me recentrer, de remettre mes idées en place. Lorsque je me redressais enfin, que je m'avançais de quelques pas, la rousse me prenait de vitesse et me plaquait contre la surface dans mon dos. "Quel coup en traitre… grognais-je entre mes dents. Les anges ne sont-ils pas censés être des agents du bien ? Et pas de petites fouines attaquant dans le dos ? Je vais finir par croire que c'est une habitude avec toi, de plaquer contre les murs..." Un vague - enfin, vague, c'était ce que je me répétais pour n'y accorder que peu d'importance - souvenir que de cette nuit, où la rousse aurait voulu me tuer plutôt que de me sauter dessus... Pourtant, le temps d'un instant - un instant si long et si court à la fois -, seuls les désir les plus profond avaient parlé... Les bas instincts...

Le regard se détournait sur elle, se plongeait dans ces orbes bleutées… Elle frappait, parlait pour ne rien dire… Nous vivions ça trop souvent, l'une et l'autre affrontant ces démons réveillés depuis Halloween. Ces diables qui n'étaient que les reflets de nous-mêmes. Comme elle l'avait souvent fait pour moi, comme ces nuits où les voix avaient hurlé même dans ce sommeil dont je n'avais besoin, mes bras se passaient autour de son corps, s'agrippaient à elle pour l'empêcher de s'éloigner et je l'attirais contre moi. Une étreinte, une façon de répondre à sa "demande". "Dégage-toi et je peux t'assurer que pour y arriver, il va falloir me briser en deux !" Plus ferme, les bras se calaient contre elle, se bloquaient alors que je me maintenais les poignets. Une prise sûre, ferme. "Tu voulais un combat ? En voilà un ! Tant que tu n'auras pas réussi à te dégager, tu seras bloquée ainsi, Ange !" Contre mon gré, j'appuyais sur ce point qui faisait mal, celui qui la dérangeait depuis leur rencontre : "Ou devrais-je dire Fille d'Odin ?"

Sans m'occuper des coups ou des grognements de l'Ange sans aile, je parlais, je discutais… "Qu'est-ce qui te fait chier ? Que se passe-t-il ? Si c'est parce que tu as peur de perdre le contrôle, je le répète : il faut que tu y ailles à fond ! Vois en moi… Cet homme. Celui qui t'a abandonnée. Celui qui t'a rejetée et n'a pas cherché à te retrouver ! Celui qui t'a remplacée par d'autres enfants ! Vois en moi cette ordure et fais-lui payer !" C'était douloureux. Douloureux de lui faire mal. De lui rappeler cette douleur. De raviver la flamme de blessures qui auraient dû être cicatrisées depuis le temps mais… Mais si je voulais qu'elle utilise toute sa force, qu'elle y aille à fond… Je devais la forcer, lui faire mal pour réveiller cette ombre en elle… "Sens la rage. Vois cette boule de rage en toi, cette haine, cette colère… Mais ne la laisse pas t'aveugler… Ne sois pas faible comme je l'ai été. Laisse-la insuffler de la force dans tes muscles mais ne la laisse pas te contrôler. Tu la contrôles, elle, tu contrôles ce feu en toi !" Je serrais les dents. Le dernier. La dernière carte qui restait, celle qui allai réellement réveiller cette arme, ce feu dans les yeux de la rousse : "Si tu perds face à elle, il aura eu raison de t'abandonner, tu lui donneras raison ! Prouve-lui qu'il aurait dû se battre pour toi, par Héra ! Montre-lui que l'Ange sans Aile n'a pas peur de ses propres sentiments ! Montre-lui ! Prouve-le !" ... *Je sais que tu en es capable, je sais que tu peux tout faire, Aldrif... J'ai confiance en toi.*

Enserrée, je ne pouvais plus bouger, j’étais bloquée dans ses bras, dans ceux de cette femme à la force surhumaine. Même si j’essayais de me débloquer cela m’était impossible, elle y mettait toute sa puissance. Je me débattais, mes rubans sifflaient, mais rien n’y faisait.

Rien du tout !

Je grognais, continuais d’essayer de me débloquer… J’entendais sa voix, ses mots… Qui faisaient mal, terriblement mal… J’avais l’impression que plus j’en entendais certains, plus je m’enfonçais, plus je me perdais… Plus… J’avais envie de détruire quelque chose.

Si je l’avais pu, je l’aurais détruit, lui

Mes mains qui s’enfonçaient dans les matelas, mes ongles qui risquaient d’y laisser des marques. Sauf que je m’en fichais, j’avais envie de… De quoi ? Détruire. Oui. Briser quelque chose. Me dégager.

« - Ce n’est pas un combat, ça… Tu m’enserres ! »

Un râle quittant ma gorge, un coup dans le matelas le plus proche, un autre suivit d’un nouveau… Et ce durant plusieurs minutes. De longues minutes où seule la rage se faisait sentir.

« - Tais-toi ! »

Fille d’Odin. Fille d’un homme que je ne connaissais pas. D’un homme m’ayant… Abandonné. Pour qui j’étais morte, qui avait eu nombre de gosses après moi, des enfants ayant eu des attributions « divines ». Alors que moi… Moi…

Je n’étais que l’Ange sans Ailes, la première née décédée.

Celle a qui on avait tout retiré, qui avait été bloquée à Heven à cause de cet abruti. Heven n’était connu de PERSONNE. PERSONNE ! Qui aurait pu penser que j’étais là-bas, alors ?! Un nouveau grognement, plus bestial, plus… Plus quoi ? Hargneux ?

J’avais l’impression que ma vision changeait, devenait plus restreinte. Je serrais les dents. Chaque mot prononcé était comme un coup de poignard. J’entendais les battements de mon corps, mes sens me semblaient… Décuplés… Comme si j’étais en train de chasser, d’être totalement le prédateur, que n’importe qui d’autre ne serait qu’une proie…

NON. NON. NON. Je ne voulais pas… Pas ENCORE.

« - Arrête. Arrête ! »

Un hurlement, le son de ma voix me semblant différent, lointain… Comme si ce n’était plus tout à fait moi, comme si je m’enfonçais dans… Dans quoi… ? Je ne savais pas, je n’arrivais pas à savoir hormis que je souffrais de plus en plus, que je forçais pour me décoller, pour mettre de la distance sans succès, même les rubans ne rencontrant que du vide.

« - FERME-LA ! LÂCHE-MOI ! »

Des tremblements, le corps qui semblait vouloir quelque chose alors que la tête le refusait, que le cœur ne le voulait pas non plus. Tout se confrontait, tout semblait partir en vrille. Tout semblait m’engluer intérieurement, m’attirer vers des tréfonds lointains, que j’aurais dû apprendre à gérer dans le passé, mais auxquels je n’avais jamais eu à faire face avant ce jour-là.

« - Di… Diana… Lâche-moi… A…Arrête… S’il te plait… »

Ma mâchoire se serrant, ma poigne de plus en plus puissante contre les protections des lieux. Pourquoi n’arrêtait-elle pas ? Pourquoi devait-elle rajouter à chaque fois un élément de plus qui me blessait ?

Est-ce que… J’aurais réellement dû mourir ce jour-là ? Peut-être que tout aurait été plus simple, que certains êtres ne seraient pas morts par ma faute…

Le goût du sang qui s’immisçait dans ma bouche, montrant que je venais de me mordre. Quoi ? Je ne savais pas… La langue, l’intérieur de la joue ? Aucune idée… Et je m’en fichais. Je m’en foutais TOTALEMENT.

Un nouveau cri, guttural.

Ma vision se troublait. Le désir de frapper, de tout détruire. De tout mettre à mal.

« - ‘del… »

Je ne me rendais même pas compte qu’un morceau de matelas se retrouvait entre mes mains, détaché du mur. Et je forçais encore plus, mes pieds prenant appui sur le sol, mon poids s’y ajoutant… J’essayais de me reculer, de me propulser, quitte à laisser des marques dans le sol… Quitte à la briser, même si je ne le voulais pas…

La douleur était mentale. Celle de lui faire du mal, de la faire souffrir pour qu'elle devienne ce dont elle avait peur… Qu'elle perde ses moyens pour qu'elle puisse maîtriser cette rage. Il fallait qu'elle y arrive et je savais que… Qu'il fallait combattre ses démons, ses peurs pour ne pas se perdre… Je le savais depuis des siècles, même si j'avais eu le malheur de m'y égarer… De laisser des voix perfides venir me susurrer des mensonges. Des mensonges qui avaient les apparences de vérité à mes yeux. Je faisais subir la même chose à la rousse et son corps réagissait. Sa voix m'implorait de cesser mais son corps frappait, tremblait. J'entendais le bruit des matelas être déchirés, être percés par ses doigts. Un grognement alors que les dents perçaient ma peau… Que le sang s'écoulait de la morsure sur mon épaule, sans que la rousse n'ait l'air de se rendre compte de son geste… Elle ne pensait qu'à s'enfuir, qu'à me faire cesser… Elle me suppliait presque d'arrêter mais… Je ne cessais pas, je continuais… Je continuais à la faire souffrir, je continuais à la voir si… Désemparée, si "faible" face à ces mots… Je n'y croyais rien. Je ne pensais aucun des mots qui passaient mes lèvres. Ils sonnaient faux, à mes oreilles, à mon esprit… Son père avait eu tort de l'abandonner… Je ne savais pas réellement ce que ça faisait, n'ayant jamais eu de "père"… Sauf si l'éclair ayant donné vie à l'argile, avait pu en porter le titre… Elle, elle avait été abandonnée, laissée… Son père avait préféré la sacrifier que de se rendre… Son père l'avait laissée tomber et jamais, il n'avait cherché à la retrouver…

Le cri perçait mes oreilles et le matelas finissait dans les mains de l'Ange. Elle essayait de se défaire mais mes bras se serraient bien plus, se fermaient autour d'elle… J'entendais le ciment se fendre sous ses pas, sous ses pieds qui glissaient sur le sol. "Contrôle, Aldrif ! Contrôle ta rage ! Tu ne peux pas la laisser gagner !" Inversant cette position, son corps se retrouvait face au matelas et sa tête s'enfonçait dans cette surface moelleuse, pressée par cette main à l'arrière de son crâne. "Tu me l'as dit : pense à des souvenirs joyeux ! Contrôle tes démons en leur montrant que tu es heureuse ! Qu'ils ont tort !" L'autre main bloquait son bras dans son dos et je mettais mon poids contre elle - un poids bien léger par rapport au sien -. "Si tu veux ne pas être un monstre, tu dois battre tes démons. Tu dois contrôler ta rage. Si tu as peur d'utiliser toute ta force, ce sont les voix qui gagnent." Les pieds glissaient, à mon tour, alors qu'elle essayait de se dégager. Un grognement de ma part. "C'est toi qui me l'as fait comprendre. C'est toi qui me l'as dit." Un bref aperçu de son regard, de ce regard… Ce regard lorsqu'elle perdait pieds, lorsque son contrôle se perdait pour laisser place à cette ombre d'elle-même, que je n'avais réellement vu qu'une fois : lorsqu'elle avait cherché à retrouver son "frère".

Je sentais un craquement en moi, pas physique. Aucun os ne se brisait, c'était un organe qui était douloureux en voyant ce regard bleu, si étincelant de curiosité, de joie, d'interrogation en temps normal… Ce regard bleu était désormais vide, vide de chaleur, vide de conscience… Par ma faute… "Tu es plus forte que cette rage ! Cette force, cette puissance, c'est la tienne ! Pas la sienne." Doucement, je n'arrivais plus à tenir, je sentais que je glissais, que je partais… Qu'elle retenait de moins en moins sa force… "Aldrif… Reviens. Ne laisse p-" Un grognement et je devais reprendre mes appuis, donner un coup de genou pour la distraire quelques secondes, sinon : c'était moi qui volais. "Souviens-toi. Des beaux moments. Des découvertes que tu as pu faire. Des gens que tu as connu. Pense à tes proches." Je me doutais que je n'avais rien à voir avec les bons moments. Notre relation avait été en dents de scie, avant d'être stable… De n'être qu'une relation d'entraide. D'amitié ? Je ne savais pas réellement… Les voix dans ma tête rappelleraient que je n'étais qu'un jouet pour cette femme à qui je tenais mais qui ne le savait pas… Que je ne lui disais pas… Pourtant, oui, je tenais à elle… Inconsciemment, consciemment… Mais je ne pouvais pas lui dire. Je ne pouvais pas. Seul Clark s'était donné le droit d'aimer et d'avoir une vie normale. Bruce et moi ? On avait décidé de se donner corps et âme à notre cause… Pourtant… Je n'arrivais pas à aller contre ça, à aller contre elle… Tout ce que je pouvais faire, c'était de vivre avec et de n'être que cette soeur d'armes pour elle. De n'être qu'une amie sur le champ de bataille, dans l'entraînement... Juste ça. "J'ai confiance en toi, Aldrif."

Sang. Ce goût dans ma bouche, ce goût dont je ne retrouvais pas la provenance. Ce goût qui… Je sombrais… Totalement… Je me sentais partir, envahie par la rage, par le sentiment que tout devait être détruit, réduit à néant, mis à mal… Je l’entendais à peine, me rendais à peine compte que la position était inversée, que je me retrouvais contre ce mur fait de matelas, cet élément que j’avais martyrisé juste avant…

L’envie d’hurler, de me dégager, de continuer de mettre toute ma force, ma puissance afin de fuir, d’aller… D’aller où au juste ? Même dans cet état je savais que je ne pouvais pas débouler n’importe où, que je ne pourrais pas aller voir… les rares que je connaissais. Elle. Quill. Parce que j’avais fini par retomber sur ce chiot spatial au détour d’une rue, fidèle à lui-même.

Mais cela avait été comme souvent. Une discussion lambda, rapide… Car il fichait le camp. Et moi… Moi je cherchais un lieu de vie, un endroit pour moi… Un lieu où… Où je pourrais me sentir à ma place… Ce que je n’avais toujours pas…

Jusqu’à percevoir quelques mots… Des souvenirs joyeux. Dur d’en trouver réellement… Hormis… Une nouvelle vague, une nouvelle demande pour qu’elle me lâche… Je n’en pouvais plus… J’étais… Loin ? Je n’en savais rien. Seul le coup de genou me ramena légèrement alors que j’avais déjà la tête bloquée dans le matelas, mon corps meurtris, piégé.

« - Mes… Proches ? »

Une question, anecdotique pour certain, et pourtant… Etant si importante pour moi. Je pouvais compter si peu de gens dans ce mot… Réellement… Qui pouvais-je mettre dans cette catégorie ? Qui… De qui étais-je assez proche pour…

« - Tu sais bien… Que… »

Pourquoi mon cœur se serrait ? Comme ma poigne sur ce satané matelas… Comme tout mon être… Je ne m’étais approchée de si peu de gens… Beaucoup avaient du mal, d’autres avaient fuis en voyant cette part de moi et puis une minorité… Qui était présente, lointaine parfois… Je savais que je pouvais compter sur un abruti… Mais actuellement.

Je déglutissais en sachant pertinemment qu’il serait dans un état déplorable. Et puis, je pensais à l’autre être, celle que j’avais découverte ici, celle qui se trouvait derrière moi, qui me maintenait.

« - T… »

J’avais tant de mal à parler…

« - Toi… TOI TU L’ES ! »

Un cri. Presque désespéré alors que j’avouais qu’elle, elle en faisait partie.

« - Toi… Toi tu fais partie des bons moments… De ceux qui m’ont permis de m’en sortir ici… Malgré… Malgré tout ce qu’il s’est passé… »

J’avais mal. Terriblement mal.

« - C…Comment est-ce que tu peux avoir confiance… En moi… Alors que… »

Je fondais pourtant en l’entendant, je fondais totalement. Parce que l’entendre me faisait plaisir, même si… Même si j’étais ingérable, même si je voyais encore tant de noirceur en moi… Une légère lueur apparaissait.

« - Alors que je ne suis bonne qu’à tout détruire… »

Ma mâchoire se serrait, j’avais envie de… De quoi ? D’atteindre cette lueur qui me parlait, qui était présente… Cet être si chaleureux qui… Qui avait pourtant dit tant de choses juste avant… Qui m’avait… blessée en disant tout ça…

« - A…Aide-moi… Je… »

Un tremblement.

« - Je t’en supplie… »

A nouveau je tremblais, j’essayais de me raccrocher aux bons moments… Mais c’était si difficile, tout me semblait si lointain, perdu dans les méandres de mes souvenirs que j’avais du mal à atteindre.

« - S… S’il te plait, Diana… »

Et je l’implorais, ma voix ayant du mal à rester stable. Perdue entre la tristesse et la rage, perdue entre toutes les émotions que je ressentais, qui faisaient que mes rubans ne savaient plus que faire. Eux-mêmes étaient dans un état second, un état inconnu.

« - C’est avec toi… Que j’ai le plus de bons souvenirs… Ici… C’est toi qui m’es le plus proche en ces lieux… »

Je ne tenais plus, intérieurement je bataillais, semblais nager à contrecourant.

« - Aide-moi… »

Cet espoir qu'elle ne disparaisse pas, qu'elle continue de parler, qu'elle raconte n'importe quoi. M'aide à me raccrocher... Tout simplement...

Qu'elle m'attire vers la lumière et non vers les ténèbres qui m'appelaient.

Quels souvenirs heureux je pouvais choisir, moi ? Quand elle était l'épaule sur laquelle m'épancher, ce jour-là, près de la plage… Je n'avais pas réellement pensé au passé. Je n'avais pas ressenti d'élan de nostalgie en repensant encore aux amazones, à Themyscira et à ses beautés grecques. Moi qui ne faisais qu'y penser depuis que j'avais été exilée. Ce jour-là, j'avais eu l'esprit branché sur une seule et unique personne : la rousse. Elle avait été la victime de mes démons, de ces phrases si horribles… Elle avait été l'ancre dans cette réalité. Étrangement, je n'avais rien eu d'autres à l'esprit. Juste… Juste elle. "Oui, tes proches. Ceux de chez toi. Ceux que tu as connu. Que tu connais." Je l'écoutais, je la maintenais comme je pouvais lorsque son côté réellement brutal. Je l'arrêtais, la plaquais contre ce matelas… Avant de recevoir le choc mental, qu'elle ne m'avoue : moi. Ma poigne glissait et je devais reprendre ma prise, je devais serrer ma main sur son poignet. "Tu me le demandes ? Alors que j'étais dans un pire état que toi, il y a plusieurs mois. J'ai confiance en toi comme tu as confiance en moi." Un grognement passait entre mes lèvres et je secouais la tête. "Tout détruire ? Moi, tu m'as réparée. Tu m'as aidée. Tu m'as sauvée de mes démons."

Je me sentais mal. Elle tremblait, elle m'implorait de l'aider. Je l'aidais, certes, de façon brutale. D'une méthode des moins conventionnelles. Il fallait blesser, énerver… Réveiller la Bête en elle pour qu'elle puisse la contrôler, ne plus en avoir peur et qu'elle puisse utiliser cette puissance, qu'elle puisse y aller de toutes ses forces sans être apeurée par ce qu'elle était réellement. "C'est ce que je fais, Aldrif. Je t'aide. C'est… - un soupir - C'est brutal, c'est douloureux… Pour toi, pour moi… Je n'aime pas te dire ces atrocités. Crois-moi…" Ses rubans étaient fous, ils n'étaient ni agressifs, ni sur la défensive. Ils étaient perdus, autant que leur propriétaire… "De bons souvenirs, hein ? Entre combats et entraînements, il n'y a eu que peu de nuits ou de journées où nous avons réellement eu des instants de calme." Un léger sourire et, finalement, je la relâchais en partie. Mes mains se posaient sur ses épaules pour la faire se tourner, pour qu'elle soit face à moi et pour qu'elle puisse s'asseoir à terre, contre les matelas… "On va arrêter là, pour le moment. On…"

"Comment peux-tu être aussi bête ?" Je secouais la tête, tentais d'omettre ces mots dans ma tête… D'oublier la voix de ma mère, de cette femme qui aurait tout donné pour moi. Les mains restaient sur ses épaules. "On va te calmer et refaire notre séance un autre jour…" "Elle te manipule." Les doigts se serraient un instant, les voix de ma famille se mêlant dans mon esprit… Non, elle ne me manipulait pas. Elle tenait à moi, à sa façon. Pas de la même façon que moi, certes… Mais, de ce que je comprenais, l'Ange me considérait comme une proche… Elle ne pouvait pas savoir à quel point je tenais à elle… À quel point mon cœur pouvait battre plus fort lorsqu'elle avait ce rare sourire sur les lèvres… Lorsque j'observais sa moue curieuse, devant les objets du musée… Elle ne pouvait pas savoir que j'avais mal quand elle était souffrante… Que j'étais mal, là, parce que je lui faisais du mal… Moi… Une main se détachait d'elle pour venir caresser doucement les longs filaments de feu que sont ses cheveux… "Tout ce que je t'ai dit, est faux. Je m'excuse... Mais il faut que tu perdes le contrôle pour pouvoir arriver à maîtriser cette partie de toi. Ça va ? Tu arrives à te remettre ?"

Un regard vers elle, cette poigne que je sentais afin d’être bloquée, de ne pas détruire. Je l’entendais, lointaine, je tentais d’atteindre cette petite lueur que j’apercevais, percevais. Je tendais la main, intérieurement, en direction de celle-ci comme si je voulais sortir de tout ça. Je ne la percevais pas totalement, pas encore du moins… Mais je l’entendais, je captais aisément sa voix.

Cette tonalité qui lui était propre. Son odeur qui lui était unique.

« - Ceux dont j’étais proche chez moi… Celle qui s’est… Occupée de moi et… Sera… Mais… »

Mortes. Toutes deux.

Ma tête qui se secouait à nouveau, mon corps qui se tendait à certains moments alors que je combattais contre moi-même. Jusqu’à l’entendre dire que je l’avais réparée et non détruite… Qu’elle avait confiance en moi comme j’avais confiance en elle…

« - Oui… j’ai confiance en toi… Diana. »

J’inspirais à nouveau, mes rubans s’enroulant autours de mes bras, sifflant à d’autres moments. Pourquoi est-ce que ça me faisait si mal ? Pourquoi étais-je si faible face à ça ? Face à cet élément, cette part de moi ?

« - Il… »

Non… Je savais qu’il n’y avait pas d’autres méthodes…

« - Oui… je le demande. Parce que j’ai du mal à visualiser comment… »

Mon corps qui me semble si… lointain. Comme s’il n’était plus tout à fait à moi, comme si tout ce qu’il souhaitait faire était restreint, bloqué par autre chose… Par ce que je ne souhaitais pas réaliser. La blesser. Mettre en pièce les lieux. Sentir à nouveau…

« - ‘del… »

Mon corps qui tremblait à nouveau. Je me concentrais sur sa voix, sur elle.

« - C’est…rude… »

Un soupir.

« - Mais les entraînements ne sont-ils pas de bons souvenirs ? Faut-il vraiment un moment de calme pour que ce soit considéré comme un moment agréable ? »

Je tendais réellement la main, m’agrippais à elle. Je me fichais, soudainement, de sembler faible. Mes prunelles se fermaient, je prenais sur moi. Je souffrais… Je… J’avais juste envie que tout se termine, ce qu’elle me proposait et en même temps…

« - N… non… Continuons… C’est la seule solution… »

Ma mâchoire se serrait, mais je n’arrivais pas à la lâcher. Comme si j’avais peur qu’elle ne disparaisse au loin, ne soit avalée par la lumière qui l’enveloppait à présent… A mes yeux du moins. Je me sentais si mal, si… loin dans ma noirceur…

« - Je… »

Dire que j’allais bien serait un mensonge. Je n’allais pas bien, il fallait être dupe pour croire que c’était le cas.

« - Non… je ne me sens pas bien. J’ai l’impression de m’enfoncer dans mes ténèbres, de ne devenir qu’un prédateur. »

Je ne parlais que peu de cette sensation la majeure partie du temps, il était difficile de l’expliquer correctement.

« - Tout devient plus puissant, fort. Les odeurs, les sons. J’ai l’impression que tout mon être n’est fait que pour chasser, pour… Faire tomber autrui sans prêter attention au reste. La douleur et d’autres sensations deviennent inexistantes la majeure partie du temps. »

Je ne savais pas si j’étais claire, je la regardais, tentais de retrouver son regard pour m’y perdre, réussir à me focaliser sur celui-ci. Une ancre, voilà ce qu’elle était pour moi actuellement. Une ancre que je ne voulais pas emporter avec moi.

« - Tu n’as pas à t’excuser… tu fais ça pour moi… »

Je le savais parfaitement même si ça me faisait peur. Encore. Après une longue année, cette crainte n’était pas partie… Elle m’enveloppait tel un serpent dont le poison s’insinuait dans mes veines.

"Et alors ? Parce que tu les as perdues, tu ne peux plus penser aux bons moments ? Devrais-je cesser de penser aux plages de Themyscira, des journées avec Antiope, de l'amour de ma mère… Parce qu'elle m'a exilée ? Parce que la princesse n'est plus qu'un paria pour son propre peuple ?" Une lutte face à un démon, un ange sans aile à la force d'un Dieu. Un être qui pourrait aisément me tuer, me transpercer de ces rubans, me frapper jusqu'à m'enlever la vie, tout simplement… "Tu as confiance en moi alors que j'aurai pu te tuer. Je voulais te tuer, ce jour-là. Toi, tu as tendu la main, tu m'as aidée… C'est toi qui m'as sauvée, Aldrif ! Toi et personne d'autres." Je la relâchais alors que son corps se collait au mien, qu'elle s'agrippait et que je la laissais faire… Que mes bras passaient simplement autour d'elle, l'enveloppant, la "protégeant"… Protégeant cet être qui n'en avait pas besoin. Mais qui semblait n'avoir besoin que de ça, pour le moment. Dans mon esprit, les voix parlaient, murmuraient des phrases pleines de venin et d'acide, des mots remplis de haine envers la rousse… Pourtant, ce cœur qui battait dans ma poitrine, réagissait si fort à cette étreinte, réagissait avec douleur à son mal être… Mes mains caressaient sa toison de feu, s'emmêlaient dans chacune des flammèches comme si… ça pouvait l'aider… Femme née de l'argile, femme créée à partir de la Terre, mais avec un cœur tout aussi puissant, tout aussi douloureux que n'importe quelle Amazone… Ou que n'importe quel être humain, être vivant…

Moi, je ne pouvais faire que cela. L'écouter, lui répondre et la rassurer… "Tu n'es pas que ça. Tu n'es pas une prédatrice." Le mot passait ensuite mes lèvres, un mot qui n'avait jamais été dit à haute voix, jamais il n'avait été mentionné ou émis à n'importe quel moment. "Tu n'es pas un monstre." Lentement, le regard plongé dans le sien, les mains glissaient le long de sa mâchoire, la maintenaient sans aucune violence… Sans aucune force… Je la gardais simplement, là, face à moi, proche - de toute façon, proche ou éloignée, son ouïe n'était plus à prouver et elle devait entendre ce battant puissant - mais à une certaine distance pour ne pas tomber dans un travers, certes agréable, mais qui m'était impossible de connaître. "Si ce sont les sons et les odeurs… Écoute ton cœur. - une main se délogeait de son visage, se posait là où se trouvait son cœur - Écoute ces battements, concentre-toi sur eux… Ne pense qu'à eux, qu'à ta respiration, qu'à ton propre être." La main remontait, se remettait sur sa mâchoire, s'y cramponnait doucement. "Un prédateur n'a aucun remord. De même qu'un monstre. Toi et moi, nous sommes torturées par cette ville. Nous sommes malmenées par des ombres qui n'ont pas lieu d'être. Mais nous ne sommes pas des monstres. Nous sommes… Nous. Toi, tu es Aldrif, une guerrière au tempérament de feu. Une guerrière avec un cœur énorme même si elle trouve cela plus intéressant de le cacher."

Le regard franc, le regard honnête… Je l'observais, je la regardais, je ne cassais pas ce contact, qu'il soit visuel ou physique. "Oui. Je fais ça pour toi car tout ce que je te dis, c'est vrai… Car c'est toi, qui a permis à ce poison dans mon esprit de disparaître… Et j'aimerais pouvoir faire de même avec toutes tes craintes. Tous tes doutes. Toutes tes peurs." Un soupir était retenu de justesse, ainsi qu'un murmure, murmure d'une pensée que je ne pouvais émettre, que je ne pouvais avoir à l'esprit… Que même un télépathe ne pouvait entendre, de peur de voir ce secret voler en éclats. De me voir obligée d'affronter la réalité, de devoir choisir… Choix bien trop facile, bien que douloureux. Choix encore et toujours dirigé vers ce pour quoi ma vie a été dédiée, ce pour quoi j'ai été exilée : protéger les autres. Moi, la femme aux Merveilles. Je devais protéger ce peuple qui comptait sur moi. Je devais donner du mien, je devais tout faire pour eux… "On y retourne ? Ou tu veux attendre encore un peu ? Ou on arrête tout simplement. Tu n'as pas à avoir honte de ne pas y arriver en une fois, ça prend du temps... Beaucoup de temps."