Bras croisés, j'observais le manoir. Il semblait calme. Trop calme... C'était la première fois que j'étais venue depuis mon arrivée en cette ville. Les journaux n'avaient pas dit si tout le monde finissait au même endroit... Stupides livres... Je serrais la mâchoire. Je sentais mes dents qui grinçaient. Mes enfants étaient-ils ici ? Se baladaient-ils dans ces rues ? Je grognais, craquant les vertèbres de cet homme dont j'avais pris la forme. Un souffle passait entre mes lèvres. Un souffle chaud, énervé. Horriblement enragé... De mon nez, j'expirais avec force avant de m'en aller. D'utiliser les longues jambes masculines pour m'éloigner de cet endroit. Les journaux n'avaient servi à RIEN ! Ils n'avaient pas aidé à combattre l'avenir ! Ces bouts de papiers inutiles ! J'enrageais et, d'un coup, sentais les larmes qui remontaient vers mes yeux... Oh, Destinée... Pourquoi... Pourquoi m'avoir donné les clés du futur, si je n'avais rien pu faire contre ?! Si je n'avais pas pu contrer ce destin funeste ?! pourquoi ne pas m'avoir donné les cartes pour te sauver ?! Culpabilité, rage se mêlaient dans ma poitrine et je me frappais du poing le torse, pour faire taire cet organe que je voulais silencieux car futile, encombrant... Tu m'as abandonnée, Irène ! Tu m'as laissée ! JE SUIS SEULE DE TA FAUTE ! Un grognement et, en voyant les regards de certains passants, la voix grave, copiée de cet inconnu que j'avais attrapé au hasard, au détour d'un carrefour : "Vous avez un problème ?!" Je râlais et, un flash, une idée dans ma tête. Je devais faire quelque chose. Déverser cette rage quelque part. Dans n'importe quoi... N'importe quoi...! Dans la ruelle, je passais les mains trapues dans ces cheveux si courts, noirs, je les tirais, je grognais, j'enrageais... Mon être était entièrement tendu, sur le vif. Mes yeux devenaient fous, cinglés... Ils allaient d'un côté à l'autre, furibonds, nerveux... Mon coeur palpitait avec tant de force qu'un tambour de guerre, dans mon cerveau, je sentais les courants, le courant de chaque pensée alors que tout se reformait... Une crise... Je me griffais les oreilles, les joues... Mal... Faire du mal... Tout mon être le criait sans que je ne comprenne pourquoi... Une voix, la mienne, la "mienne" susurrait de faire du mal... D'expier cette culpabilité dans des coups, sur... N'importe qui... Puis la possibilité de déverser cette ombre si grande, plus grande que l'est normalement mon âme... je la sentais recouvrir tout mon être... passer le moelleux de ce drap de Mal sur mes épaules et m'envelopper dans cette chaleur de malheur... Et mon âme s'y complaisait... Se fondait dedans... Guidée par ces bas instincts, j'avançais vers cet homme. Cet idiot qui pensait qu'emmerder les gens, c'était une bonne idée... Après des adolescentes, il se montrait collant avec cette femme, blonde... Une simple excuse pour expulser certaines ténèbres ! Je n'étais pas violente mais, par moment, un fusible se détachait dans ma tête et m'électrisait, me poussait à ça... A ma ceinture, je créais, formais de mon être un couteau à attaché par une hanse en cuir. D'une main, j'attrapais l'homme et je le plaquais contre un mur, usant de mon poids, pour le faire, changeant où la masse était proportionnée. Quelque chose d'impossible à voir à l'oeil nu tant j'avais été vite, habituée d'user de ça pour me défendre... L'autre venait habilement attraper ce "couteau" plus vrai que Nature, pour le poser contre sa gorge. Pour le laisser sentir le métal froid - qui n'est en réalité que ma peau ayant pris la texture du métal, de la lame d'un couteau -. "Moins marrant quand les rôles sont échangés, hein ?" Un sourire sur mes lèvres alors que je voyais, sentais la peur dans ses yeux... Que je sentais les tremblements de cette vermine sous ma main tenant son manteau... Humain si peureux... je riais légèrement avant de me reculer, mains levées... "BOUH !" Fut le seul mot s'échappant d'entre mes lèvres, avant un mouvement rapide en avant. De quoi faire fuir l'homme. De quoi lui faire prendre les jambes à son cou et de courir pour sa vie... Idiot. Idiot... De toute ma "grâce" masculine, je me retournais vers la femme blonde, remettant l'arme dans son contenant. "Désolé. Ce genre d'hommes a tendance à donner une mauvaise image de types biens, comme moi."

C'était sauvage. Primaire. Se défouler de la sorte n'était digne de la femme que j'étais. Mais il y avait cette voix... Ces voix dans ma tête... Qui tapaient, hurlaient. Je changeais mon être intérieur qui changeait à chaque seconde, tous ces échos en moi qui hurlaient, qui me commandaient... Personne, à part moi, était au courant de cette "tare". Une parmi tant d'autres. De ce problème qui me rendait... Dingue. Alors, oui, par moment, j'avais des actions irréfléchies. Sauvages. Brutales. J'étais encore moins fiable qu'à l'accoutumée... Et à chaque métamorphose, je me fondais dans ces ténèbres aux alentours, dans cette maladie où joie et tristesses se mêlaient en un torrent. En sortir ? Jamais. Alors, cet homme avait été la cible parfaite... Comme si les dés avaient été lancés en ma faveur, pour me sortir quelques secondes de cette explosion interne... "Malheureusement", je n'étais pas reçu avec les honneurs. L'homme que j'étais, était presque dédaigné par la femme blonde en face de moi... Un rire éclaircit la conversation, résonnait doucement alors que je penchais ensuite la tête pour observer la Dame. J'aurai réagi avec un peu moins de véhémence mais j'aurai réagi tout de même. Moi-même, je n'étais pas une damoiselle en détresse. Je n'avais pas besoin de sauveur... Encore moins cet idiot de Forge ! La pensée de la mort d'Irène me fit presque perdre contenance une seconde mais je me retenais. Je restais l'homme, le sauveur, le "bon exemple masculin", face à cette femme. Je serrais juste un poing, la boule de rage et de culpabilité se fondait entre mes doigts et je m'imaginais en train de l'exploser... Comme le crâne de Forge, lorsque je le reverrai... Mais là... Là, j'avais un autre chat à fouetter. Essayer de me débarrasser de la femme et repartir pour le bar. Pas que la sociabilité ait toujours été mon point faible mais... Non, réellement, je n'étais pas social ! Héhé ! "Votre proie ? Que vouliez-vous d'un être tel que lui ?" Pas social mais curieuse, j'étais. "Jouer avec moi ? Je ne frappe pas les femmes alors vous ne risquez pas grand chose." Tout du moins, pendant que je gardais cette enveloppe masculine. Enfin... plutôt, ce "rôle". Car sinon, homme ou femme, quelque soit mon apparence, je ne faisais pas de différence pour mon adversaire. S'il méritait un coup de poing, la seule chose qui importait, c'était l'endroit où viser. Je croisais les bras, soudainement intéressée. Quel jeu jouait-elle avec les hommes ? Quelle serait sa réaction si elle se rendait compte que l'homme viril face à elle était, en fait, une femme ? Une femme à la peau bleue, mais ce n'était qu'un détail. "Vous avez attisé ma curiosité. A quel jeu voulez-vous jouer ?" Car, là, c'était moi qui allais jouer. M'amuser. Je n'aimais pas spécialement l'être humain - je les détestais, même - mais, pouvoir m'en servir comme de petites marionnettes, c'était... Jouissif !

Un rire s'échappait d'entre mes lèvres. C'était que je jouais parfaitement le rôle de héros sauveur, lorsque je le voulais. Il n'était donc pas si étonnant que certains idiots pensent en ma bonne Foi avant que mon couteau ne transperce leurs flancs avec force. Mes demoiselles en détresse, n'est-ce pas ? Je n'en avais que faire, cet homme n'avait été qu'un moyen de me défaire de la rage en moi. "Tué ? Avec ça ?" Une envie de jouer, à mon tour. Je prenais "ce couteau" à ma taille, je le sortais et le faisais tourner entre mes mains. D'un mouvement, d'une pensée, le couteau - qui n'était que ma chair modifiée pour en prendre l'apparence d'une arme "létale" - devint une paire de lunettes que je venais poser sur le bout de ce nez. "Vous avez avoué votre jeu avec cet homme. A moi d'avouer le mien." Mon allure se modifia, se changea en un clin d'oeil. De l'homme plus ou moins imposant, je devenais la "frêle" créature à la peau bleue. La femme connue et reconnue dans son monde pour être Mystique, la plus cruelle des mutantes. Celle capable de vous tuer d'un claquement de doigts. Celle qui n'hésite pas à tuer l'Homme pour protéger le Mutant. "Votre jouet était un défouloir pour une rage profonde en moi." Un sourire taquin sur le visage, je tendais la main vers la femme blonde. Une femme au caractère qui me plaisait à rencontrer. "Mon nom est Raven Darkhölme. Pour vous servir. Enfin... Pas vraiment." Car seuls mes intérêts avaient une quelconque valeur à mes yeux. Ceux des autres ? A part s'ils rejoignaient mes idéaux, ils pouvaient bien se noyer dans leurs problèmes, je n'en avais que faire. Même Kurt et Mal', il y avait des chances que je finisse par les mettre sur le côté... Car je les aimais mais je les haïssais, eux et leurs idéaux opposés aux miens. Je n'avais jamais de remords de leur pourfendre leur coeur et les espoirs en ma personne, d'un seul coup... La seule personne qui avait mérité ma protection, c'était Irene... Oh, ma Irene... Un grognement résonnait dans mon crâne alors que je me retenais de pester, de m'énerver à nouveau sur la perte de cette femme qui avait emmené le peu de Foi en l'Humanité lors de sa chute, lors de sa mort... Cette femme... Qui avait laissé une blessure béante, au fin fond de mon coeur. De mon être. Une absence que jamais je ne saurai combler, même en achevant notre objectif commun : le bien des Mutants et la chute des Humains. "En tout cas, je m'excuse d'avoir interrompu votre Jeu avec cet homme. Je sais à quel point s'amuser de l'Humain est... Jouissif ? Il n'y a pas plus crédule qu'eux et leur naïveté bien à eux." Oh oui. C'était amusant de voir l'espoir d'être gracié, de garder la vie sauve... Puis de voir cette étincelle s'éteindre dans leurs yeux quand la vie les quittait.