Arès vit le jour il y a des millénaires de cela, au sein d'un plan dimensionnel déconnecté du multivers et nommé Skyland. Il naquit dans la matrice des dieux, fils du patriarche et de la matriarche du panthéon grec. L'essence du premier fils aura coïncidé avec l'état de désunion qui embrasait le couple parental. Car les querelles qui séparaient Zeus et Héra étaient aussi nombreuses que violentes. Zeus, loin de la belle figure que certains aiment à entretenir, était un être de manigances et d'infidélités. Hera quant à elle était une déité jalouse et régulièrement vindicative. Leur rivalité aura, au fil des siècles, de nombreuses fois ébranlé le quotidien des Hommes.
En dépit de cette puissante ascendance jamais Arès ne fut perçu en digne héritier par les autres dieux, jamais il ne gagna leur confiance ou leur adhésion à ses méthodes. Le dieu de la Guerre était un insatiable et un buté qui ne trouvait rien de substantiel, rien pour apaiser sa faim auprès de son panthéon qu'il jugea bien vite méprisable et bien trop docilement inféodé aux volontés de Zeus. Arès devint rapidement l'un des Olympiens les plus détestés et s'il prétendait s'en accommoder sans mal en adressant à ses pairs tout autant d'inimitié, la vérité était un rien plus furieuse et problématique que cela. Car s'il n'avait effectivement que faire de l'acceptation et des beaux sentiments que certains espéreraient maladivement il n'était pas, absolument pas, indifférent au pouvoir. Arès nourrissait l'ambition de servir aux côtés des dieux de Lumière qui détenaient la mainmise sur l'organisation du Mont Olympe. Mais désavoué par Zeus lui-même pour la Destruction qu'Arès incarnait fièrement, il lui fut impossible de toucher une quelconque légitimité, impossible de revendiquer un rang auprès de ses pairs de manière conventionnelle. Alors le dieu de la Guerre entreprit d'ériger son propre royaume qu'il nomma Areopagus, un séjour où la martialité enflammerait tout et où ses ordres seraient souverains. A partir de ce lieu avantageux, une colline amarrée à d’innombrables ossements, trouée de nombreux cratères, balayée par d'intarissables coulées de lave et grise de cendres, Arès observait l'envie des hommes et leur fièvre guerrière. Il constitua sa propre junte militaire, aggloméra tous les pouvoirs entre ses mains et délégua de maigres responsabilités à quelques dévots serviles - car il avait soif de dominance. Personne, pas même Zeus, ne pouvait facilement l'atteindre sur ses terres. Et pourtant Areopagus existait en deux endroits, aussi bien proche d'Athènes que du Mont Olympe. Proche des Dieux et des Hommes se situait donc une enclave, presque imprenable, où un ennemi potentiel gagnait en force. Arès s'abreuvait effectivement des défauts humains, les attisait lorsqu'il avait faim de plus. Arès avait toujours faim.
Cette autarcie était en la faveur du dieu de la Guerre et le panthéon Grec redoubla dès lors de méfiance à son égard, seule Aphrodite persistait en témoignant de la douceur à Arès. Cette dernière incarnait l'amour et d'autres qualités encore qui, bien qu’ambiguës pour certaines, n'avaient théoriquement aucune chance d'attirer les faveurs du guerrier. La déesse parvint pourtant à tisser avec Arès un lien qui se poursuivit en liaison clandestine - car elle était mariée en punition au ridicule Héphaïstos et Arès, lui, était répudié. Dès lors Aphrodite fut un intermédiaire occasionnel et officieux entre le dieu de la Guerre et le panthéon de Zeus.

Treize siècles avant le christianisme, la guerre de Troie débuta. Cette guerre promettait d'être palpitante car elle mobilisait des forces importantes et qu'elle s'articulait sous influence des dieux, Arès n'était pas inconscient des rivalités divines qui s'escrimait par l'intermédiaire des Hommes. Ses sœurs avaient leurs champions. Les grecs mycéniens attaquèrent la cité de Troie localisée en Asie mineure, à cette occasion le dieu de la guerre descendit parmi les hommes et brandit ses armes en la faveur des Troyens - sûrement par volonté de contradiction et assurément car il était assoiffé de carnage, qu'il n'aurait pu se satisfaire d'un rôle de spectateur, il fut le seul dieu qui en temps de guerre terrassa des mortels de sa main et non pas par ses seules manipulations. Alors qu'il s'apprêtait à ajouter le héros Diomède à la liste de ses victimes Athena, sa déesse complémentaire, intercéda en la faveur du mortel et guida sa lame jusqu'à mettre le dieu guerrier en déroute. Arès encaissa cette défaite âprement, l'humiliation d'être défait par l'association d'un Homme et de cette déesse en particulier l'empoisonna de rancœur. C'était tout personnel ; car Athena et lui se partageaient la guerre comme attribut. Mais s'il était la guerre destructrice et apatride elle était, considérée comme, la Guerre défensive, stratégique et avisée. Elle était le bras droit de Zeus et sa conseillère là où la voix d'Arès était redoutée et méprisée.
Plus tard le dieu belliqueux changea de camp pour rejoindre les Grecs car il fut attiré par la vaillance de certains combattants - Achille lui sembla le plus digne de son intérêt, alors il se battit à ses côtés. Démontrer une ferveur magistrale au combat était souvent la seule chose en mesure de s'assurer, un temps, la loyauté d'Arès.
C'est à partir de ces événements qu'Arès gagna auprès des mortels un statut de guide, qu'il fut considéré en saint patron de la Guerre et qu'il fut prié en conséquence. Pour nuire à son père mais également par orgueil il s'élança plus tard dans une compétition sordide avec sa mère, Héra. La déesse du mariage souhaitait se venger de l'énième acte d'adultère commis par son époux en punissant l'un des tapageurs fils illégitimes, Hercules. Arès et elle se combattirent donc dans le seul but d'établir qui de l'un ou de l'autre pouvait imposer le plus de souffrances au demi-dieu.

Avec l’ascension du Christianisme dans l'Empire romain durant le quatrième siècle, Zeus eut la faiblesse de consentir à perdre du terrain. Le jaillissement des monothéismes redistribua les cartes, les religions s'accaparèrent une portion titanesque de la foi qui était jusqu'ici répartie entre les panthéons et particulièrement reversée aux suivants de Zeus qui aggloméraient de nombreux adeptes - bien évidemment, en qualité de meneur des dieux Olympiens, Zeus bénéficiait tout particulièrement de la foi antérieure au changement. Le patriarche fut défaussé d'une part significative de son influence dès lors qu'il perdit ses ressources latines et le processus ne cessa jamais de s'intensifier. Arès qui avait toujours bénéficié de bien moins d'autels dédiés et de cultes nourriciers que son père, était nettement moins touché par ce bouleversement. Son pouvoir tendait au contraire à s'intensifier par l'intermédiaire des guerres humaines qui gagnaient en nombre et en technicité - le dieu de la Guerre n'avait guère besoin que l'on croit en lui, tant que la Guerre elle était embrassée.
Par voie de conséquence et pour juguler la puissance de son fils honni, Zeus adressa à Arès l'interdiction d'être vénéré par les hommes comme patron de la Guerre. Une ordonnance pathétique qui ne parvint, évidemment, pas à laver le cœur de l'Homme de ses passions bellicistes mais qui amplifia les tensions entre les deux dieux.
Ces tensions perdurèrent à jamais et Arès n'attendait que le moment opportun pour renverser la suprématie de Zeus.
Ces tensions atteignirent leur pinacle à la suite de l'attaque du dieu Hadès sur le Mont Olympe. Zeus pria Arès de lui prêter son assistance et le dieu guerrier accepta, car il ne pouvait tolérer qu'un autre que lui dérobe l'Olympe et qu'il était, certainement, désireux de s'accaparer un prestige trop longtemps refusé. Ainsi Arès démembra les armées d'Hadès et revint auprès de son père en victorieux pour réclamer les honneurs ainsi qu'une place de choix parmi les dieux de Lumière.
C'est à ce moment que le dieu sauvage comprit. Qu'il comprit que ses pairs étaient toujours, si ce n'est plus encore, horrifiés par lui, horrifiés par sa victoire barbare et par sa démonstration de force désinhibée. Horrifiés ? Non, plus exactement dégoûtés. Inspirer l'horreur aurait pu lui convenir car la crainte cimente le pouvoir. Mais le dégoût est la marque de l'irrespect, d'un éternel désaveu. Arès comprit qu'il ne pourrait jamais gagner une place dans ce panthéon faible et mû par des idéalismes menteurs.
Au fil des siècles la puissance d'Arès gagnait en intensité et sa raison diminuait drastiquement, enivré par ce pouvoir toujours révéré, furieusement désiré, pourchassé, aujourd'hui mêlé à sa nature - ce pouvoir se répandait aujourd'hui entre ses mains et dans ses actes tortueux et brutaux, ce pouvoir qui n'était plus un moyen d'action mais une but en lui-même, vorace, qui jamais n'en terminait de grandir, toujours en chasse, à l'affût de quelconque combustible, de quelconque source, exponentiel. Arès n'avait plus le moindre garde-fou, son seul but était la puissance pour la puissance et il pouvait de fait tout déclencher, affamé. Aphrodite elle-même se détourna de lui, consciente plus que quiconque que le dieu de la Guerre ne pouvait plus être touché. Consciente qu'il brûlait.
Durant cette période Arès embrase de nombreux conflits sur Terre, sanglants et infâmes.
C'est alors qu'il ne pouvait plus être arrêté qu'Arès découvrit celui qu'il considéra initialement comme son plus farouche ennemi, le seul qu'il ne pourrait jamais défaire : lui-même. Ses pouvoirs se déclenchèrent contre lui - il vit le futur, ou plus exactement l'absence de futur une fois ses passions allées trop loin. Il se vit utiliser un armement humain en manipulant les consciences d'hommes déguisés d'uniformes, des armes qui n'existaient pas encore et qu'il ne saurait nommer, il vit les conséquences de sa faim. L'oblitération totale et aussi et surtout sa propre fin une fois la Terre à jamais dévastée. Une Terre n'est-ce pas insignifiant ? Est-ce réellement assez pour le mettre en péril, lui tout divin ? Tenta t-il de marchander. Avant de comprendre que sa voracité n'allait guère s'apaiser après avoir tué une unique planète. C'est le multivers entier qui finirait par périr sous sa rage. La destruction d'une première Terre aller pousser sa faim vers de nouveaux besoins. Titanesques.
Il vit également que dans un futur bien plus proche les dieux de son panthéon l'approcheraient, qu'ils tenteraient de le sceller, Aphrodite en tête de la manigance afin d'octroyer à la manœuvre les meilleures chances de réussite.
Lorsque la déesse l'approcha, munie des menottes d’Héphaïstos - ironie corrosive - Arès n'opposa pas la moindre résistance. Il savait, il croyait en son pouvoir de prescience plus qu'en quiconque.
C'est ainsi qu'Arès se trouva emprisonné dans une dimension de poche reliée à Themyscira et accessible uniquement en traversant un arbre gigantesque, solidement armuré de protections magiques. Les Amazones furent chargées de la tâche éternelle de garder le lieu d'exil d'Arès afin que celui-ci ne puisse plus jamais en sortir, qu'il ne soit plus en mesure inonder sans filtres le monde des hommes de son influence meurtrière.
Les premières années de son exil furent les plus furieuses. Cette décision était certes la sienne, certes il n'aurait par orgueil pas reconnu avoir commis une erreur, il n'en demeure pas moins que l'impuissance est contraire à sa nature. Sa rage remplissait sa cage de marées brûlantes. Mais, peu à peu, l'impuissance lui confia une force. Un apprentissage. La patience. La patience permet d'agencer les pensées, de gagner en clarté, d'une certaine manière de gagner en puissance en évitant les déperditions d'énergie. Arès observa le monde à l'extérieur de sa cellule. Il y gagna connaissances et cynisme.

La naissance des jumeaux d'Hippolyte changea absolument tout. Lorsqu'il se pencha sur leur naissance, qu'il fut comme appelé à le faire, Arès comprit immédiatement leur importance, importance que les cieux eux-mêmes semblaient vouloir souligner à en juger par les détonations puissantes qui tonitruaient ce jour-ci par-delà les nuages. Le dieu de la Guerre reconnut la présence de son père, déduisit que Zeus revendiquait aujourd'hui sa paternité. Arès aurait pu être ivre de jalousie ou de rage, les sentiments qui le gagnèrent furent autres. Il avait changé et Diana l'interpella tout particulièrement, son destin allait être grandiose et important, c'était inscrit, fascinant, lisible, clair comme de l'eau de roche. Si Zeus n'était pas un bon guide lui en serait un.
Arès avait conscience que Diana, tôt ou tard, quitterait Themyscira et que sa mémoire serait effacée. C'est pour cette raison qu'il fit en sorte, lorsque cette dernière était enfant, de lui permettre d’accéder à sa prison en lui ouvrant l'arbre qui servait de passage. Une morsure de serpent fut suffisante, même si l'enfant n'en conserva aucun souvenir, le lien entre elle et lui était institué et désormais Arès pouvait en permanence veiller sur elle.
Ce qu'il fit en suivant ses aventures de près. Les choix de l'Amazone le surprenaient à chaque fois, sans pour autant réellement le surprendre. Ces choix n'auraient jamais été les siens mais il commençait à connaître la guerrière - du moins il en avait la conviction. En parallèle de ses observations ses propres planifications concernant l'avenir se précisaient. Diana avait un grand destin, Arès était persuadé de connaître la voix qu'elle devait emprunter.
Lorsque la présence de l'Amazone devint un jour introuvable le dieu de la Guerre inspecta, inquiet et obsessionnel, la Terre dans ses moindres recoins grâce à ses pouvoirs. C'est durant cette recherche qu'il fut déporté à Burning Dust.