Ombre. Figure ténébreuse au-dessus de ces buildings. Obscurcissant la lune. Un masque au regard blanc, des plus terrifiants, jugeant, jaugeant. Chevelure rouge dansant au gré du vent. Cape aux couleurs de la nuit et du sang claquant dans les airs.

Bras croisé au sien. On boude. On râle. C'est notre anniversaire et notre père n'est pas là. En mission. Encore... Beth et moi, encore en tenue scolaire, on se colle. Autant râleuse que triste... Nous voulions qu'il soit là. Nous le voulions lui et pas cet homme, là, je ne sais même plus son nom ! De l'autre côté de la porte, notre mère appelle... "Pour l'amour de... Vous agissez comme si vous aviez cinq ans et non pas douze !" On se renfrogne un peu plus... Il avait promis d'être là... Promis ! Quelque chose l'empêche toujours de venir, TOUJOURS ! Elle nous rappelle, nous explique que c'est son devoir... Que même s'il n'est pas là, on peut passer un bon anniversaire... Je regarde Beth. Un regard. Juste un. On n'a jamais besoin de plus, elle et moi... On se lève et on ouvre la porte. "On veut aller à la Grand Place..." "Pour avoir du chocolat..." "Et des gaufres !" Autant profiter d'être à Bruxelles, capitale du pays de la gaufre et du chocolat, non ?! Notre mère nous regarde, toujours aussi belle, aussi charismatique dans sa tenue de soldat... Elle sourit, elle rayonne... Elle est amusée de nos "demandes", le bleu de ses yeux pétillant... Et accepte. "Changez vous. Je vais dire au Sergent Carol qu'on sort !"

Telle une chauve-souris, un bruit capte son attention. Celui d'une "proie". D'une "victime". Même pas un coup d'oeil. Pas un mouvement de tête. L'ombre se jeta juste dans le vide...

Des murmures entre le Sergent et notre mère. Un regard vif, rapide, suspicieux à l'arrière... Je regarde Beth, elle me regarde. On ne comprend pas vraiment mais on sait que quelque chose se passe. Que quelque chose cloche. Filles de deux militaires, nous ne sommes pas dupes. Nous sommes "rodées"... Puis le choc ! Un camion fonce dans la voiture. Percute un mur... Ma tête tourne, je suis sous le coup de cet impact... Des tirs. Du sang sur la vitre extérieure de la voiture... Notre mère sort. Elle veut nous protéger, je veux protéger Beth qui se colle contre moi... Un homme apparait, cagoulé, j'allais crier, hurler à ma mère de faire attention ! Je sens la colère en moi alors qu'elle tombe après un coup de crosse ! Qu'on ouvre la porte pour emmener ma soeur ! "LAISSEZ-LA ! - J'attrape Beth par son tee-shirt, je la tire de ma force d'enfant face à cet adulte - LAISSEZ MA SOEUR TRANQUILLE ! - Je me débats. Je me secoue. Je suis comme le Diable sortant de sa boîte ! On met un sac sur la tête de ma soeur - S'IL VOUS PLAIT ! STOP !" Et les larmes finissent par menacer de couler, l'impuissance, la peur, l'incompréhension... Le corps inconscient de ma mère, tiré, souillé par le sol... Maman... MAMAN ! Et le noir devient mon "ami"... Je ne vois plus rien... J'ai peur... Je tremble... Beth... Maman... Papa, s'il te plait... Viens nous sauver... S'il te plait ! Je t'en supplie ! PAPA !

Les bottes claquent sur le sol pavé de cette ruelle sombre. Face à cette ombre inquiétante, un homme jaugeant son butin à côté de sa victime, sous le choc de ses coups. L'ombre le recouvre. L'inquiète. Il se retourne. Sursaute. Panique. Il sait ce qui l'attend.

Noir. Ténèbres. "Beth...?" Les larmes coulent. Glissent le long de mes joues. Roulent sur ma mâchoire. Un clignement des yeux, d'autres perles salées. "Il y a quelqu'un...? - la voix tremble, craque sous la peur - Quelqu'un...? S'il vous plait..." Un bruit ! Une porte ? Une chaise qu'on recule ? Qu'on bouge ?! Il y a quelqu'un ! Je tremble : est-ce un des ravisseurs ? Qui est-ce ?! "Restez loin de MA FILLE ! ELOIGNEZ VOUS D'EL-..." Une plainte. Sourde. La voix de ma mère cassée par la douleur. "Mam-... MAMAN ?!" "Nnngh... Bande de bâtards..." J'entends qu'elle a mal. Qu'elle souffre. Mais j'entends cette rage. Cette colère. "KATE ! BETH ! BE-..." Un tir. Je reste... Sans bouger. Sans oser. Que... "... Beth...?" Je renifle. Je pleure... Maman... Beth... "... Maman...? ... Quelqu'un...?" Les pleurs redoublent... J'ai peur... Que... Quoi... Je... Je... Mon Dieu... Perdue... Dans le noir... Dans le silence... Puis le brouhaha. Des tirs, partout ! Des portes qui se claquent ! "TANGO DOWN !" Un autre répète la même chose. D'autres voix disent que l'endroit est sécurisé. "Cloud-breaker ! C'est l'une de tes filles !" PAPA ?! Le masque est relevé, doucement, le regard de mon père croise le mien... Je pleure encore plus fort alors qu'il demande à un de ses hommes de me détacher... Papa... Dans ses yeux, je sens la colère, la culpabilité... La tristesse... "Garde tes yeux sur moi, ma chérie..." Un homme est mort, sur le côté... Du sang s'échappe de lui... Mais je regarde mon père, je m'accroche à son corps... Je tremble toujours, j'ai besoin de le sentir tout contre moi, de le sentir me protéger... "Ne regarde que moi ! J'ai besoin d'une évac-" Mon regard se détourne de lui... Se détourne de sa voix... Sur une chaise, attachée... Ma mère... Ma mère... Le sac sur la tête... Le sac percé d'un trou... Le sang coulant de ce trou... Une boule se forme dans ma gorge... les larmes s'arrêtant, sous ce choc... Sous cette tristesse trop importante... Ma... Maman... Le corps de Beth plus loin... Recouvert d'une couverture... Je... Ma gorge se serre... Devient sèche... Je veux hurler... Je veux pleurer... Je veux... Je... Je... Pourquoi... Pourquoi... POURQUOI ?!

Le gant rouge frappe avec force l'être malveillant. L'uppercut le fait voler de quelques mètres. Le bruit de ses os craquant, résonne dans la ruelle. Le butin tombe, s'éparpille...

Droite. Dans une position "détendue", au repos, les bras croisés dans mon dos... J'ai le regard haut, ferme, sûr. J'écoute mon supérieur. Je l'entends. Je le comprends. Une plainte à mon encontre. Une "violation" de l'article 125 du code de la justice militaire. Je dois lui dire que c'est faux. Que je n'ai rien fait. Que ça ne se fera plus. Qu'aucune autre plainte n'aura lieu d'être. Je ne serais pas capitaine l'année prochaine. Mais je resterais dans l'armée. Je serais graduée... Qu'il fait ça car je suis un "bon" cadet. Que je serais un putain de bon officier. Car mon père est un bon soldat. En mémoire de ma mère qui était aussi, un très bon soldat. Il dit que je suis un bon élément. Je suis dans le top de ma classe... Est-ce que j'allais vraiment risquer ça ? "Monsieur, tout ce que je veux, depuis la mort de mère et ma soeur, est de servir." ... "Donc votre choix semble clair. Vous savez que je veux entendre." ... "Un cadet ne doit, ni mentir, ni tricher, ni voler. Ni tolérer ceux qui le font. Je suis désolée, monsieur, je ne peux pas." Je baisse un instant les yeux. Je me revois, combattant avec Sophie, puis la prenant dans mes bras, l'embrassant... Je ferme les yeux. Je reste stoïque... C'est ce que je suis. Ce que je serais toujours. Pas de souci là-dedans... Je relève la tête, rouvre les yeux : "Je suis gay." Et je retire ce poids sur mon doigt, celui de la bague de West Point... C'est fini. Plus qu'à l'apprendre à mon père. Je range mes affaires. Je les emballe et je pars... Comme une simple civile... Je vais chez lui. Voir sa mégère de nouvelle femme, le rejoindre dans le garage... "J'ai été expulsée de l'armée. Colonel Reyes m'a informée être sous le coup d'une enquête par rapport à la violation du code 125. Je n'ai pas pu dire ce qu'il voulait que je dise." Mon père me regard, incompréhension... j'ai peur de sentir la honte, le mépris... j'ai échoué, non ? J'ai raté ce que je voulais faire... "Tu as gardé ton honneur et ton intégrité. Je suis fier de toi. Ta mère le serait aussi."

L'ombre aide la victime à se redresser. A reprendre ses biens. Lorsque l'agresseur se redresse. Essuie le sang sur ses lèvres et se jette sur la "justicière".

Epave. Alcool coulant dans mon sang. En abondance, brouillant ma vue. Le corps de femme contre le mien. La tête qui tourne, tourne, tourne... Des lèvres trouvant d'autres, des caresses, des maladresses. Une épave. Ce que j'étais. Ce jour-là, mon esprit était pourtant clair... Respire... Ma vue se brouille dans l'eau... Respire... La plaie ouverte sur mon crâne pique... Respire...? Abandonner me semble une option, le rouge se mêlant au liquide cristallin... Je ne suis plus rien. Plus rien que l'ombre de moi... Respire...! L'abandon n'existe pas dans mon vocabulaire ! Mais je m'enfonce, dans les méandres de la mer, dans les profondeurs sombres... Jusqu'à rouvrir les yeux. Sauvée. Soignée par la chef de l'île. Par Safiyah. Cette beauté exotique. Cette fabuleuse femme. Celle qui me protégeait de la possible colère des habitants. Qui soignait ce coeur meurtri. Cette âme ébréchée par la vie. Des pansements sur une psyché plus que branlante. L'alcool ne m'attirait plus. La luxure non plus. J'aidais Safiyah. Je l'assistais... L'aimais, bien que les habitants me traitent de distraction pour leur leader qui pensait alors à autre chose. Oh oui, je l'ai aimée. Comme mon esprit tanguant pouvait. Elle était cette colle dans ma vie... Jusqu'à ce qu'elle tue un innocent pour me protéger. Jusqu'à ce qu'elle passe une ligne, une limite. Un réveil brutal de ce rêve paradisiaque ! Une douleur vive, ravivant, agrandissant ce trou dans mon coeur... Me faisant comprendre que le vide en moi était toujours là. Toujours présent. Que Safiyah n'avait été qu'un colmatage rapide... Sans plus.

Les Ténèbres se retournent. L'un des gants carmins attrape l'homme par son col. Le soulève. L'ombre fait demi-tour, faisant passer ce poids "plume" au-dessus d'elle, le regardant tomber lourdement sur le sol.

L'alcool est de nouveau dans mes veines. Se dilue avec le sang. Me fait tourner la tête. La pièce tangue alors que je sors de cet endroit. Que je m'échappe de la chaleur. Je rigole, je tiens à peine sur mes jambes... Le monde ne fait que me rendre malade à force de bouger dans tous les sens... Un marteau-piqueur me tape dans le crâne... Puis une main. Une poigne agrippe mon épaule. La serre. Me retourne. Un sourire malsain... Malveillant... Déformé - à cause de mon taux d'alcoolémie ou était-ce naturel ?- ... Je tangue, je réagis : un coup de poing. Un craquement, celui de son nez écrasé par mes phalanges... Je recule, je m'emmêle les pieds alors qu'il me repousse... Il n'est pas seul... Mais, même éméchée, je ne me laisserai pas faire... Je serre les poings, prête à me relever... Puis une ombre. Une chauve-souris apparaît et met les hommes à terre. Il les met K.O... Me tend la main... Je l'observe, comme si je n'avais pas d'alcool en moi... Je reste stoïque... Le Bat. Le symbole de la chauve-souris. Comme une illumination. Un éblouissement dans ma vie... Enfin, je sors de ce labyrinthe !

Le voleur se relève, titube... Il observe, il regarde : son butin ou sa vie ? Ses yeux se posent sur la victime, qui s'enfuit, puis sur cette masse noire qui avance vers lui. Que faire ?

J'ouvre la porte, je la claque en un grand coup de pieds. La dernière mission. L'aboutissement de ces trois années d'entraînement... En entrant dans cette salle, je vois l'homme masqué, fier de lui, amusé par ce qu'il venait de commettre... Autour, des cadavres. Des enfants... La gorge coupée... Le sang était figé, refroidi... Je tremble... La rage s'empare de moi, la colère m'aveugle... Tout mon être se tend alors que je saute au cou de ce meurtrier. Je le frappe, je le désarme, je le frappe encore... Encore et encore... Jusqu'à ce je sois sur lui. Le couteau en main. La lame sur sa gorge. J'imagine le tuer, le vider de son sang et le voir agonisé... Le voir souffrir après ce qu'il avait fait... Puis cette rage me quitte. Non... Je ne suis pas ainsi... Je lâche le couteau, je le jette... Je me redresse, je me lève et je tire l'homme pour le redresser... Et là, il retire son masque. Se dévoile... Et je vois, mon père... Je défaille avant de comprendre, avant d'assimiler les informations que je n'avais pas comprises sous la fureur... Le couteau est un faux, du genre pour les films... Le sang aussi... ça se sent, l'odeur n'est pas pareille... "Tu es prête." Sa main se pose sur mon épaule, un sourire fier sur son visage. J'ai réussi son ultime test... Celui de voir, de me faire comprendre que cette ligne qu'est le meurtre, n'est pas à traverser à la moindre occasion.

Il finit par ne rien pouvoir faire. Attrapé par la chauve-souris aux ailes carmines. Quelques minutes plus tard, il est devant le commissariat. Saucissonné. Réduit au silence par un bâillon. Alors que, dans le ciel, l'ombre file.

Sa main dans la mienne. Je la serre de toutes mes forces. Elle ne mourra pas, je n'ai pas encore toutes les réponses ! Et puis, même si elle a l'air un peu cinglé, je ne peux pas dépasser la "Bat règle" comme me l'a ordonné mon père... "Tu as les yeux de notre père..." Une douleur vive. Un couteau qui transperce le gant... Ce corps qui tombe... Ce corps introuvable... — Je me redresse, je halète... Je sens la sueur qui coule le long de mes tempes, glisse le long de mes joues comme des larmes... Les genoux se plient, je me mets en boule... Les mains dans les cheveux... Beth... Je... J'ai tué Beth... J'ai tué ma soeur... Elle... Je ferme les yeux, je continue de trembler... Mon père le savait... Il savait qu'elle était en vie... Il savait que c'était elle, Alice... Il le savait ! Il ne m'a pas empêché de la combattre ! C'est de SA faute ! Je serre les dents, je sens ma mâchoire qui grince... Je fronce les sourcils... Si on l'avait cherchée, si on l'avait empêchée d'être cette meurtrière qu'avait fait d'elle la Religion du Crime... Jamais je n'aurai dû la voir mourir, tombant dans le vide... Jamais je n'aurai dû la combattre... Levée du lit, je serre les poings, je m'avance dans l'appartement... Je sens les ongles qui s'enfoncent dans ma peau, la douleur physique ne me faisant pas oublier la douleur morale d'avoir perdu ma jumelle... De ne pas avoir pu la sauver... Un hurlement passe entre mes lèvres, celui de la soeur ayant perdu sa jumelle - encore -, celle de la fille trahie par son père, celle de l'héroïne qui n'a rien pu faire !

Posée sur le coin d'un toit, l'ombre ne bouge pas. Elle observe. Le masque cache le regard. Cache la mélancolie. Cache le chemin que suivent ses yeux. Celui de la Capitaine Sawyer.

L'eau m'englobe;. La "main" de l'esprit est accrochée à ma gorge, m'emmène au plus profond de l'eau... Je vois... je vois dans les reflets de l'eau... Ceux de ma mère... Ceux de ma soeur... Elle qui tombe, qui tombe... Encore, encore... La bouche finit par s'ouvrir, réflexe incontrôlé du corps, celui de rechercher l'oxygène... Un coup, je me dégage avec violence, je crie, je sens l'eau qui rentre, qui tente de me "tuer". Je me défaits de cette femme pour me retrouver sur le bord, sur la plage... L'eau s'échappe de mes poumons, coule le long du sable...

Je me laisse tomber sur le lit... Je vois l'eau, qui souille mon appartement. Le masque, posé à terre, laissé tomber alors que je rentrais... Je passe les mains sur mon visage, je souffle, je grogne et je penche la tête en arrière juste après... Le costume est poisseux, pue le sable, pue l'eau de mer... J'ai échappé de peu à la DEO... De peu à la noyade... Et pour combler le tout, j'ai brisé les espoirs de Bette. Pour la protéger. Car c'est trop dangereux pour le moment ! Et je ne peux pas l'entraîner, tout en sauvant les enfants et en faisant attention à elle. Non, je ne peux pas. Je ne peux pas rompre la promesse de sauver les enfants. Je ne peux pas mettre en danger ma cousine. Notre famille est assez maudite, recouverte par le fantôme de la Mort à chaque coin de rue. A chaque passage dans la vie. Non, je dois empêcher Bette d'être trop en danger...

J'accuse la colère de Maggie. Je fronce les sourcils, ferme les yeux... Ah oui, le rendez-vous. Désolée, mais j'étais un peu prise... Sous l'eau. En train de me noyer. Puis en train d'essayer de suivre des mecs en noirs que même Batman préfère éviter. Puis j'ai brisé le coeur de ma cousine. Mais sinon, oui, je n'ai aucune bonne raison pour avoir posé un lapin... Je la laisse rentrer en soufflant, racontant la vérité : "C'était ma cousine, qui t'a répondu." Car c'est la seule vérité que je peux raconter. La seule. Je m'assieds sur les escaliers à l'entrée de mon appartement... Je n'en peux plus... La DEO... La disparition des enfants... Non... Mon corps suit mais mon esprit commence à ramer, le boulet de ces responsabilités, de ces menaces, je les traîne. Seule. Mais je n'ai pas le droit de craquer. Les familles comptent sur moi. Comptent sur Batwoman. Si j'ai été entraînée par mon père, ce n'est pas pour défaillir lorsque le poids est trop lourd. Au contraire, c'est pour me relever. Pour avancer de plus belle. "Dis-moi ce qu'il se passe vraiment." Je ne peux pas. Je-ne-peux-pas. JE-NE-PEUX-PAS ! Je sens sa main sur mon épaule et c'est comme si elle faisait tomber les dernières défenses, je sens cette peur, ces menaces, tout, tout qui me retombent dessus... Je sens que c'est trop lourd en observant le visage de Maggie alors que les larmes coulent, encore et encore... Que je me retrouve comme une gamine, dans ses bras, que je me serre contre elle en fondant en larmes. En montrant cette partie prohibée. Cette partie secrète. Mes faiblesses, tout... Je sens ses bras, je sens son étreinte... Je pleure deux fois plus fort, tout ressort. Tout. Peut-être même des choses que je tiens depuis que je suis gamine...

Le masque cache cette peine puis s'évapore dans la nuit. Alors que Maggie Sawyer se retourne vers le toit. Sûrement habituée à y voir cette ombre écarlate. Sauf qu'elle a fui, comme depuis longtemps. Aucune trace de son espionnage. De sa venue.

On sort la tête de l'eau, j'inspire, je retrouve la douce sensation de l'air dans mes poumons... Je ne sais pas ce que sont devenus Killer Croc et la Femme... Enfin, l'esprit de Maria. Comment puis-je en vouloir à cet esprit dont un homme, quelque chose de plus grand, la contrôle ? Use de ses maux d'humaine ? Maria Salvaje, cette femme alcoolique, qui a laissé mourir ses enfants par noyade, due à ses négligences... Je regarde l'eau, je pense à cette pauvre femme, torturée dans la ville et dans la mort... Je souffle, j'inspire, j'expire... Je regarde Chase à mes côtés, je fais la grimace... Je coopère avec ceux que Batman m'a bien dit de ne pas approcher. Sauf qu'en plus de - rarement - écouter la chauve-souris - quelques divergences d'opinion -, j'ai promis de retrouver les enfants ! Et la DEO est la seule organisation possible pour m'aider... Pourtant, Batman m'a proposé de les rejoindre mais... Non, les Freak of control, comme la Bat originelle, très peu pour moi. Je grimace, je souffle... Dire que, de leur "faute", j'ai injecté un truc horrible dans les veines de Mags... Bordel... Vivement la fin de cette affaire... Vivement que je retrouve ces gamins !

Je regarde l'écran face à moi. Une cible. Pas à abattre. Car je ne suis pas bête : abattre la femme aux Merveilles ne m'est pas possible. Oh, je pourrais tenir, lui faire sûrement ployer le genou. Mais tuer la Princesse Amazone, seul un être surhumain le peut... Je travaille rarement avec cette femme. Très rarement. Car nos domaines sont diamétralement opposés. Je traque des criminels. Faits d'os et de chair. Mettez moi face au Joker, au Pingouin... J'en ferais mon quatre heures. Mais une créature. Un monstre. Une de ces "bêtes" mythologiques... Il n'y a que la femme millénaire qui peut m'aider. Pour traquer Méduse. Je ferme les écrans, je me lève du fauteuil et j'avance vers mon costume. Je ne le quitte presque plus... Je ne dors presque plus... Cette affaire me bouffe. Littéralement. Elle bouffe ma famille. Je grimace en repensant à Bette, dans son lit d'hôpital... "Je vais anéantir Méduse. Sa tête ne tiendra plus longtemps sur ses épaules. Je te le promets." Et je pose la main sur la chauve-souris rouge.

L'ombre ouvre une fenêtre. S'installe à l'intérieur. Ôte ce masque. Dévoile une femme. Elle soupire. Souffle. Sent cette pression sur son coeur. Elle se torture. A aller la voir. A lui parler pour les affaires...

Gotham est à feu et à sang. Les créatures. L'Hydre, les monstres, les enfants qui sont traînés en sacrifice. Mais tout ce que je vois, c'est Maggie qui "combat" avec les autres de la GCPD ! Je me réceptionne sur le sol alors que Wonder Woman décide de s'occuper de l'Hydre à plusieurs têtes. Je pars en courant vers Mags, qui m'agresse, me sort d'aller m'occuper de ce foutoir, de ne pas s'occuper d'eux et d'aller chercher les gamins... Elle a raison. Elle a raison ! Je me retourne et je suis le bruit des chaînes autour des gamins, je cours, j'accours... JE LES SAUVERAI !

Je souris. J'avance alors que le chaos est parti. Que Méduse est morte. Un petit coup de miroir, provenant de Bloody Mary, et elle se fait avoir par son propre regard... La DEO n'a aucune image de Wonder Woman car je lui ai donné le verre contenant la caméra... Bette va bien mieux et peut combattre... Je regarde l'un des gamins à mes côtés, je passe une main dans ses cheveux. Sauvés. Tous. Ils sont tous sauvés... Aucun n'a été sacrifié. J'ai respecté ma promesse. Jusqu'au bout. Et tout va pour le mieux... Il ne reste qu'une chose à faire. J'avance dans cette plaine de jeux où je vois l'ombre de Mags. Où je la vois tête baissée. Elle doit croire les enfants perdus et pourtant... Pourtant... Je souris. Un large sourire sous ce masque qui cache tout le reste. "Oh mon Dieu ! Ce sont eux ?! Ils sont tous là ?!" Elle se lève de cette balançoire, n'en croit pas ses yeux et moi, je souris... Et, sans retirer le masque, sans l'ôter, sans enlever le costume... Je sors de ce rôle. De cet alter-ego... "Oui, Mags." Un sourire qui s'élargit alors que je la vois, étonnée, interloquée... Elle ne doit pas comprendre comment ce surnom peut traverser les lèvres de Batwoman, sans savoir que Kate est cachée là-dessous... Enfin, cachée... Elle se dévoile, actuellement. Je lui montre qui je suis, sans ôter ce masque. J'attrape son visage entre mes mains, je lui offre tout. Tout. Ce que je suis. Ce que je peux être. Mon passé. Mon futur. Je lui offre ce coeur rapiécé. Parce qu'elle en vaut la peine, parce que... Parce que je l'aime. Alors, sans même y réfléchir, sans même y penser deux secondes de plus, ce murmure passe mes lèvres : "Epouse-moi, Mags..."

Le masque tombe, sur la table. Le costume est enlevé, petit à petit, découvre ce corps bleui par d'anciennes blessures. Des blessures à peine soignées. Un corps maltraité.

J'enlève le masque, entrant dans ce nouvel appartement. A peine aménagé. Mags l'a choisi et, disons que le choix est parfait. Même si je garde le bunker dans le building Kane. Car ça reste le mien. Je souffle en rentrant et... Et les voilà. Ma belle-mère. Mon père. Ma cousine. Ma fiancée. C'est quoi ce truc ?! "C'est vrai ?! Elle est en vie ?! Beth est en vie ?!" Je fronce les sourcils. Comment ? Comment savent-ils ? Je viens juste de voir Bones, de la DEO, me faire menacer - encore - pour capturer Batman. J'ai refusé, encore et encore... Jusqu'à ce qu'il montre ma soeur. Ma jumelle. En vie. Encore. Revenue... Je serre les dents. Un piège, ce "faux câlin" de Bette pour mettre un mouchard. Je grogne entre mes dents et je me tourne vers mon père, oh, je le connais ! C'est son idée ! Puis sa nouvelle bonne femme ose ramener sa fraise ! J'élève le ton : "Qu'est-ce qu'elle fait ici, celle-là ?!" Je me tourne vers mon père, je m'enrage : "Comment peux-tu la faire venir ici ?! Comment peux-tu m'avoir traîné dans un tel piège ?!" Puis je lui dis la vérité. Car il reste le père de Beth. Car oui, elle est en en vie. Elle est bien là. Je l'ai prise dans mes bras. Je baisse les yeux, la tristesse de ne pas avoir pu la ramener... Bette qui me parle de ce deal. Je roule des yeux, croise les bras... "Vous voulez m'arrêter ?! Bonne chance." Une bagarre entre les trois membres de la famille Kane, plus le rajout qu'est la belle-mère. Car on est comme ça, dans la famille ! Puis la voix de la raison. Celle qui est restée assise, avec son verre de vin. Mags prend la parole, me remet à ma place sans même se tourner vers moi... Puis elle se lève, me pointe du doigt. M'ordonne d'arrêter d'être la martyr. De descendre de ma croix et d'accepter de l'aide... Ou je dégage. Je suis assez étonnée. Je... je souffle "OK. OK. Allons-y" En me laissant tomber sur le fauteuil.

Dans la salle de bain. Un regard sur le miroir, le reflet de son corps. De son âme. Rapiécé. Entièrement. Vidé. Un soupir. Un souffle. Des tremblements alors que l'eau se remet à couler dans l'évier. A tinter avec fracas.

Le sol s'effondre sur la chauve-souris si connue. J'avance, je marche... Oh, quel arrogant, cet Batman. Je ne peux pas le battre ? Je peux tricher. C'est déshonorant mais je peux le piéger, faire en sorte d'avoir ce que je veux. Juste le temps de sauver Beth. Je finis au bord du trou, je regarde la fumée, je vois les courants électriques sur la combinaison de la Bat originelle. Un sourire. Bien sûr que je sais qu'une paire de gants taser ne peut rien faire contre son costume. Mais il me permet de le voir... De le décerner... Je prends un de ces projectiles dans mon gant, je l'ouvre et je le lance dans le masque du Bat, me laissant tomber sur le sol, au même niveau que lui. Je serre les poings... Pas trop de casse. Pas trop. Quelques tremblements, ceux de la peur de revenir en sang auprès de Mags. Ceux provoqués par le sérum de Scarecrow que je me suis injecté pour vivre ce que j'ai obligé Mags à vivre. C'est pour elle... C'est pour ma soeur... Pour mon père... Pour ma famille ! Et je m'élance vers ce "mythe", bien décidée à gagner !

Les mains passent sous l'eau. Ses mains rugueuses, recouvertes d'entailles. De la transparence, le sang se mêla et devint rosé. Jusqu'à ne plus laisser une seule trace de rouge.

Je regarde le papier... Je regarde les autres, jetés dans la poubelle... Un coup d'oeil vers cette photo de ma fiancée et moi... Puis les valises, les cartons... Je suis... Prête. Prête à partir. Pourtant, la vie est belle... Quelques méchants - dont cette cinglée de vampire, Nocturna, et ces cauchemars -, la DEO qui me laisse tranquille, Beth à Bruxelles... Je m'entends bien avec Jamie, la fille de Mags, mais... Mais... Trop de problèmes. j'ai les miens, dans ma tête - même si Mags m'a gentiment conseillée un psy' pour les soigner -. Mags a sa fille. Son ex-mari homophobe à qui j'aimerais bien refaire le portrait mais, malheureusement, c'est illégal. Alors qu'enlever sa fille à sa mère, ça, c'est légal ! Je serre avec force le stylo entre mes doigts... Quel monstre peut enlever un enfant à sa mère ?! Ne savent-ils pas la douleur ressentie par l'enfant ?! Je grogne et je me mets à écrire, ayant passé un pacte avec le Diable :

"Chère Mags,

Il n'y a pas de façon facile pour le faire alors, je vais aller droit au but. Je pense qu'on devrait faire un break..."

J'écris, je laisse mon coeur parler pour une fois... J'ai les mains qui tremblent alors que les mots s'inscrivent sur le papier, petit à petit... Les larmes restent sur le bord de mes yeux, je les sens prête à glisser, à souiller la lettre...

"Mags, je te parle comme une personne ayant perdu sa mère lorsqu'elle était juste un peu plus vieille que Jamie, crois-moi quand je te dis : tu dois passer tout ce temps avec elle. Tu ne retrouveras jamais ces années avec elle et une fille a besoin de sa mère. Je sais que j'ai besoin de la mienne. Je ferais n'importe quoi pour avoir du temps avec elle. Je refuse d'enlever ça à un autre enfant. Je ne peux pas."

En écrivant, je revois le visage de ma mère. Je revois ce jour où tout a basculé. Ma vie. Celle de Beth. Celle de mon père. Je ferme les yeux, j'inspire profondément... Allez, Kate, tu peux le faire. Tu peux... Tu dois. Je souffle avec force, j'empêche ces larmes de tomber.

"Si nous sommes des âmes-soeurs, qu'est-ce que quelques années, hein ? C'est ce que je me dis, en tout cas...

Au revoir, Margaret Sawyer.

Je t'aime.

— Kate"

Je lâche le stylo... Je cache mon visage sous mes mains, je cache les larmes, je sens mon coeur qui se rompt... Je dois lui faire ça. Je dois. Je ne peux pas lui enlever Jamie ! Je ne peux pas les rendre malheureuse ! Non ! Je dois... Je dois la quitter... Je suis obligée... je... Un revers de la main, j'essuie les larmes.

L'eau sur le visage, l'eau qui lave la souillure de la terre et de la poussière, les marques de ce masque... Qui lave la pourriture provenant des crimes qu'elle a dû côtoyer, en faisant tomber des criminels...

Je regarde les gants ensanglantés... J'ai... J'ai tué... Je... Une innocente... Je... Mon coeur bat bien plus fort, je me laisse tomber sur l'un des fauteuils en sentant l'air qui se raréfie... "Tu l'as fait pour moi..." Susurre la vampire à mon oreille, son toucher glacial me faisant frissonner... "Tu l'as fait pour me protéger..." Les ongles de la "veuve noire" qui gratte ma nuque... Tente d'attiser un désir qui n'existe pas là, pour le moment... Parce que je suis la responsable de meurtres. J'ai TUE. TUE DES INNOCENTS ! Enfin, une mais... Mais... Je regarde la chauve-souris sur mon torse, différente de celle de Batman, elle a le même sens : combattre le crime. Protéger les innocents. Je peux envisager la Mort... Mais pas... Pas celle d'innocent... Je tremble... n'entend plus Natalia... Natalia, cette vampire qui voulait me tuer et... Qui désormais, partage mon lit... Même si les relations entre Red Alice - Beth revenue de Bruxelles pour m'aider dans le combat contre le crime à Gotham - Nocturna, aka Natalia, sont aussi cordiales que celles entre une souris et un tigre. Autant dire : inexistantes... Le bras passe autour de moi, ne me calme pas...

La tête se redresse, fixe son reflet. C'est moi. Je suis l'ombre de la Nuit. Je suis celle qui va, quelques fois, voir ce que devient Ma... Le Capitaine Sawyer. Burning Dust est une autre ville que Gotham. Bien différente. Et je suis "seule". "Seule", dans cette ville. Il y a bien... Le Capitaine Sawyer. Je ne sais pas pourquoi... Mais elle est là. D'autres de la Batfamily sont là. Et le crime, eh bien, il est autant là qu'à Gotham... Comme quoi.