Quand une histoire commence par un coup de poing, on voit se profiler un récit tire-larme. Un peu de pathos n’a jamais fait de mal à un bon récit mais il se doit d’être modeste, dessiné en filigramme d’une vie qui nous ressemble. La petite fille aux allumettes de nos jours est juste une SDF, qui se réchauffe les mains autour d’un feu de bidon, bien triste pour les passants mais personne n’en fera l’héroïne d’un film. Car le malheur nous fait peur, il nous dépossède de notre essence pour nous transformer en victime sans identité. Alors on se pare d’un bouclier de rejet et de doute. « Ca fait beaucoup pour une seule personne », « personne n’a une vie comme ça », « Ce n’est pas réaliste. » Ne nous réveillons surtout pas pour voir qu’autour de nous il y a vraiment des vies de merdes et que ceux qui la vivent ont un avis, des goûts et peut-être même un nom. Putain non.


La cascade ne s’arrête jamais de couler pour eux, il se prenne saloperie sur saloperie, et il n’y aura personne pour dire « Assez ! » C’est peut-être vous derrière l’écran, ça peut-être quelqu’un d’autre que vous connaissez mais surtout ne le répétait pas, vous seriez vraiment un.e pleurnicheur.se. Pour que ce soit agréable à lire il faut des haut et des bas ou alors un silence de plomb qui ne laisse deviner les blessures qu’au travers des mots savamment choisis pour suggérer.


Fuck off.


Ca commence par un coup de poing, par plusieurs mêmes car tout arrive toujours par cascade. Car ce n’est pas juste un événement malheureux derrière les bleus ; c’est un homme qui ne sait faire valoir sa parole que par ses poings. Le chantage à la violence d’un père violent, c’est un cliché plutôt usuel ; Un Classique. On apprend vite à fermer sa gueule pour éviter les coups puis on tente de mentir et on re-ferme sa gueule en comprenant qu’on est le pire menteur qui existe. Répondre, c’est la pire idée, mais en même temps Clayton à toujours était du genre à répondre, farouche, dégoûté par l’injustice, parfois les mots sortent sans pouvoir les contrôler. Quand il ne se pisse pas trop dessus de peur de réveiller la colère paternelle, quand d’un coup plus rien n’a de sens, qu’on passe la barrière de la peur avec désabusement. La famille Cortez, c ‘est à dire le père et le fils, ont vécu dans la ville Texan de Denton, dans un petit appartement minable au dessus d’une laverie qui tournent encore aujourd’hui 24/24h, 7/7j. C’est là que l’histoire débute, mais sachez-le avant de continuer, ça ne va pas s’arranger :

Le mercredi après-midi passait les nouveaux épisodes aventures de Captain America, une bonne dose d’amérique édulcorée et embellie. Cette franchise avait bien plus de 50 ans ; basée sur l’histoire d’un soldat légendaire surement le fruit de la propagande américaine, c’était en tout cas ce que son voisin Ramir soutenait, mais Clay n’avait pas besoin que ce soit vrai ou récent pour en rêver. Le rêve c’était l’inatteignable, l’inespérable, c’était penser qu’un jour quelqu’un aller se lever pour défendre les enchaînés. Et puis c’était débile mais dans le bon sens du terme, le genre débile qu’on adore au point de retenir chaque détail d’un personnage pour les réutiliser plus tard dans son lit et se faire une vraie histoire digne de ce nom, avec plus d’enjeux, de drame, de sang et d’épic. La télé des Cortez était en permanence allumée, petite fenêtre du salon sur un monde consommable, et le gamin grattait chaque seconde qu’il pouvait pour y faire passer des dessins animés. Parfois ça passait, et parfois ça ne passait pas. Mais peu importe, c’était comme jeter sa pièce, savoir sur quelle face on tomberait, colère ou tolérance. Le lendemain Clayton Cortez s’habillait pour l’école de la petite ville, quoiqu’il arrive, avec la voix du soldat en fond de toile. ​

« Je ne tolère pas les brutes, et tu ne dois pas céder non plus. » Clay ne pouvait pas se souvenir depuis quand il regardait ses séries, Cap faisait partie de son bagage commun, celui de tous  les petits américains de son âge. Il était partout, en série, en reportage, en commémoration, en statue, en figurine, en boite déjeuner, en jouet happy meal…  Il était toujours là, à parler de vertus que le jeune Cortez n’avait jamais vu chez personne.
Et certainement pas chez les blancos de son école publique, qui se mettait à plusieurs pour le tabasser derrière le gymnase, lâches qu’ils étaient dans leurs uniformes parfaitement lissés et derrière leurs mèches blondes. Mais il savait rendre les coups. Et le corps enseignant se demandait, mais pourquoi le jeune Cortez lance autant de bagarre ?​

La télé ne s'arrêtait jamais vraiment chez les Cortez mais passé le collège, le gamin était plus souvent dehors, à échapper à l'étouffante ambiance de l'appartement humide que dedans, à s'y battre pour la télécommande. Il fréquentait les jeunes du quartiers, qu'il voyait presque aussi que les policiers venant le contrôler une à deux fois par jours. Avec ses amis, il convoitait le bien matériel qu'il ne pourrait jamais toucher, à défaut d'envier le respect de sa dignité encore plus dur à imaginer.

Sa nature était douce mais son tempérament était de feu et ses poings aguerris. Les bagarres, il en lança sous les provocations de ses camarades de classe. Des délits, il en fit porter et emporter par son image de chien déjà galeux qui l'encourageait à emmerder une justice de toute façon profondément injuste. Mais quand il prit sa première peine de prison, juste après le lycée, c'était pour avoir agressé un agent de l'ordre qui avait démontré toute la puissance de son rôle en appuyant le canon de son arme sur la tempe d'un gamin d'une dizaine d'année. Sentant surement une délivrance jouissive dans l'idée d'être celui en contrôle et bandant si fort dans son froc de persécuter un petit negro que son uniforme devait en être déformé.

15 mois qui s'était raccourci en 7 à cause de la surpopulation carcérale. Dans le pénitencier, Clayton n'avait pas choisi son camp, il était un apatride, vivant sa petite vie au milieu de la foule délinquante et pestiféré. Et si il réussit à raser les murs, ce n'était que pour mieux se rappeler en croisant la route des gardiens qu'il n'avait pas tellement à craindre des prisonniers.

En sortant, Cortez ne s'attendit pas à une fête de bienvenue, mais pas non plus à se faire lancer ses affaires empaqueté à la figure et dégager promptement de chez lui par un paternel qui ne comprenait pas comment son fils avait pu sombrer dans la spirale de la violence et de l'insoumission. Que lui restait-il ? Rien. Et même si son jeu préféré était de faire l'endurcit, son âme brûler et se déchirait de constatait qu'absolument aucune lumière ne pouvait atteindre leur petite vie crasseuse.

A ce moment là, le jeune adulte cherchait absolument une porte de sortie, un EXIT avec la promesse d'un peu de sens et de valeur alors quand la figure patriote de Cap apparu au détour d'un carrefour sur l'affiche de l'armée, il se jeta dedans. Il se jeta dans une cause, près à mourir pour retrouver un peu de cette promette de chevalerie.

Tortures, interrogatoires, charnier, occupations, démolissions, agressions ...

L'image des héros tint quelques années, car prit dedans, l'esprit de l'armée parlait. Surplombante, liquidant toute distance avec sa mission, Cortez n'était plus un tueur, il était juste un soldat faisant son devoir. L'adrénaline courait dans ses veines, rassurantes et terrifiantes et sur le champ de bataille, il sentait son esprit se trouver les illusions qu'il lui fallait pour se sentir utile.

Puis les permissions diluèrent ce plaisir malsain, remplaçant la nécessité par la triste réalité de l'horreur qu'était ses actions, le mettant au pied du mur. Mais il était un soldat. Les mensonges de l'Etat qui l'avait amené à tirer sur civils et à passer des heures à questionner des résistants ne pouvaient plus le tenir en laisse. Clayton voulait rester un soldat mais choisir ses batailles. Et c'est pour ça qu'à 28 ans il quitta l'armée et entra dans le groupe de défense international privé Eaglestar, spécialisé dans le sabotage et le mercenariat. Des vilains qui tuaient d'autres vilains, parfait à ses yeux, parfait pour ses mains qui ne pouvait plus se passer d'une arme sans trembler.

La mission était simple, saboter un Pipelin de l'entreprise multinational et profondement pourrit de Roxxon. Pourtant, aucun contrat n'avait précisé qu'une des tâche pour accomplir cette mission était de détruire un village, celui où familles et ouvriers trouvaient foyer quand ils ne faisaient pas le sale boulot de Roxxon.  Encore des mensonges, toujours des mensonges. Quand l'ancien militaire apprit les plans du lendemain, il attendit patiemment la nuit. Au matin, son escouade était morte et lui, lui il se rendit à ses supérieurs.

Ce qu'il ignorait était que son jugement se baserait sur les profits de l'entreprise qui avait besoin de cobaye pour créer un nouvel être, mi-Hulk, mi-Wolverine. Ridicule sur le papier, pourquoi eux ? Mais c'était ainsi fait et Clayton devint le premier expérimenté non consentant. On le disséqua, on le répara, on le dressa, du moins on essaya. L'expérience réussit, à l'exception de son incroyable rejet de la discipline. Quand une coupure de courant toucha le complex, surement le résultat d'un evenement galactique ou autre quotidien du monde depuis l'arrivé des Avengers, le sujet Alpha s'échappa de sa prison et s'enfuit, laissant un sillon de sang sur son passage.

Cortez se sauva, chercha à disparaître, à taire la bête qui grondait en lui. Il parti vers le sud des états-unis, déterminé à devenir une ombre et à trouver un coin solitaire ou finir sa vie, maintenant qu'il était incapable d'y mettre fin de lui même.

Alors se retrouver prisonnier dans une ville mystérieuse est et restera un cauchemard.