Le nez dans le livre. La couverture en cocon autour de moi, me protégeant du froid de la nuit. Mon esprit divaguait, perdu entre ces lignes, envolé vers la Terre du Milieu en compagnie d'êtres fantastiques, d'êtres irréels. Un monde de magie et d'aventures où, du haut de mes quinze ans, je me voyais être l'une de ces guerrières ou être une archère... Je ne levais les yeux que par moment, lorsqu'un bruit attirait mon attention. Lorsqu'un mouvement me sortait de cette torpeur imaginaire... Ma mère était aussi en pleine lecture. La radio allait doucement, crépitant et nous faisant tourner en boucle des titres sortis quelques années auparavant, tout comme Falling in love de Sweet. L'impatience nous gagnait toutes les deux... Les heures avaient été longues et, désormais, les minutes étaient pénibles. Nous n'attendions qu'une chose : le retour de mon père, d'une mission à l'autre bout des USA. Cet homme qui nous protégeait, se battait pour notre pays en tant qu'agent du F.B.I. Il était mon héros et, comme chaque jour où il devait revenir, le sommeil était quelque chose d'inenvisageable. Trop impatiente ! Trop heureuse ! Dans le fauteuil, je trépignais. Je me plongeais dans ma lecture mais je tremblais de nervosité, de ce besoin de le revoir, de serrer mon père dans mes bras... Alors, lorsque la porte s'ouvrit, lorsque cet homme à la chevelure de feu, tout comme moi, s'annonça à l'entrée, il ne fallut qu'un bond pour que je m'éjecte de mon cocon ! Pour que je lui saute dans les bras ! Je m'accrochais à son cou alors qu'il me serrait de cette étreinte des plus fortes, des plus puissantes, des plus chaudes... "Ma puce ! Comment va, ma petite étincelle ?" Je riais en me blottissant contre mon héros, qui m'avait tant donné, qui m'avait tant offert... Je l'aimais tellement... Que ce soit lui ou ma mère... "Tu me racontes ce que tu as vu, cette fois ?! C'était au Texas, c'est ça ?" Et comme à chaque fois, comme depuis toutes ces années, il passait l'heure suivante à me raconter ce qu'il avait pu voir, découvrir... Il me donnait des détails pour tout, m'offrait une énième carte postale - souvenir de ce voyage et que je collectionnais - et puis, il partait dormir. Lorsque, finalement, après tant et tant de récits, je me sois endormie contre lui et qu'il m'ait mise dans mon lit...


Diplôme entre les mains. Le futur qui me faisait désormais face. Mais ce serait pour demain. C'était ce que mes parents avaient décidé que je devais profiter. Que je devais simplement m'amuser en ce jour de réussite, de joie et de fête ! J'étais entourée de mes amis et, enfin, après ces longs mois d'études, ces années où j'avais travaillé, où la bibliothèque de l'université était devenue ma maison... C'était fini. Je sortais du cocon de l'étudiant pour entrer dans la vie active ! Des bras m'attrapaient, m'entouraient. La joie était contagieuse, tout le monde était extatique et l'électricité était palpable ! Nous étions prêt à oublier ces longues heures d'examens. De profiter toute la journée ! Je riais doucement, relâchant cette pression qui avait été si lourde sur mes épaules, où mes amis et mes parents avaient été présents, m'obligeant à prendre des moments de pause, de repos. Adieu les siestes sur les bouquins, adieu le bureau rempli de tas de papiers et de feuilles diverses, mais correctement rangées, à l'inverse de ma colocataire qui avait un fouillis sans nom de son côté de la chambre... "Bon, on va où ? On squatte une fête ?" J'écoutais distraitement, peu à jour des fêtes prévues en cette journée. "On peut toujours aller dans le bar irlandais, non ?" Les soirées étudiantes, ça n'avait jamais été mon fort... "Pepper, on va faire la fête ! Une sororité ou une fraternité doit bien avoir prévu quelque chose, non ? Montrons au monde entier que notre rouquine sait se bouger !" Un bredouillement, le teint pâle lié à ma rousseur remplacé par celui d'une tomate, un rouge encore plus flamboyant que celui de mes cheveux. "Je ne danserai pas !" "Siiiii !" Ma colocataire - enfin, ancienne dans quelques temps - me tirait par un bras alors qu'un ami tirait l'autre. Je ne pouvais pourtant pas me retenir de rire, la tête balancée en arrière. Être une avide de calme et de lecture, n'était pas bon mélange lorsque les amis étaient en général, des sorteurs nés... Même si ça faisait plaisir à mes parents que je sorte de mon cocon.


Le crayon tournait entre mes doigts. Je soufflais et j'évitais de montrer mon agacement en écoutant mon employeur, Aldrich Killian. Blagues vaseuses sur blagues déstabilisantes. Commentaires déplacés. Le pire flirt que j'avais pu expérimenter dans les vingt premières années de ma vie... Je notais ce qu'il me disait lorsqu'il le fallait mais je n'avais qu'une envie : la fin de mon service. Je n'en pouvais plus... J'avais imaginé autre chose comme avenir. Je ne m'étais certainement pas vue comme une femme, soumise à un homme aux goûts vestimentaires douteux. Obligée de l'écouter, de hocher la tête à chacune de ses paroles... "Et sinon..." Je fermais l'agenda des rendez-vous en serrant les dents, en évitant de lancer le pire des piques possibles. Me levant simplement de ma chaise, j'attrapais ma veste pour simplement fouiller les poches à la recherche de petites pièces. Pour fuir. Une tasse de café était toujours une bonne excuse pour s'envoler loin de ces problèmes. "Au fait, mademoiselle Potts, vous êtes sublime, aujourd'hui." Une grimace de dégoût que je cachais le plus avec un grand sourire. Ma place était toujours au bas de la chaine alimentaire du travail... Sans que je ne contrôle vraiment, je sortais tout simplement : "Sublimement ennuyée par votre comportement, monsieur Killian. Si les autres fois ne vous ont pas suffi, je le répète volontiers : j'ai certains critères en matière d'hommes que vous ne remplissez pas. Maintenant, excusez-moi, j'attends avec plus d'impatience mon café que vos paroles." Et je tournais les talons en fuyant vers la salle de pause. Le coeur battant à tout rompre, stressée que cela ait pu mettre ma place en danger... Des répercussions... Même si, être virée ne serait qu'un soulagement vu ce que je subissais...


Le dossier entre les mains, le regard qui passait sur les informations. J'avais l'impression de me tromper, une petite voix me répétant que je n'étais qu'une secrétaire. Que je n'avais pas le droit de faire ça. Qu'au mieux, je serai renvoyée du bureau sans aucune retenue. Qu'au pire, je serai renvoyée. Ce ne serait qu'une grosse tâche noire sur mon C.V. : "renvoyée de Stark Industries". Si, en plus, on faisait passer le message que je me mêlais de dossiers qui ne me regardaient pas réellement, j'allais avoir du mal à me remettre dans le bain et à trouver un autre emploi. Même celui au plus bas de l'échelle... Je savais bien où était ma place mais il fallait quelques fois écouter la voix du courage, celle qui poussait à sortir de ses retranchements et à parler, oser. Surtout que là, l'erreur était fameuse. Si personne n'en parlait, l'entreprise allait prendre un sacré coup dans ses comptes... Je refermais le dossier et je tapotais du bout des doigts dessus. Je ne pouvais plus reculer. Inspiration... Expiration... Le "discours" que j'avais préparé, que je m'étais répété encore et encore pour être sûre de ne pas bredouiller. Un peu comme lorsque j'avais dû préparer mes oraux à l'université. Je serrais les feuilles et leur contenant. J'inspirais un grand coup... Encore plus nerveuse, en apercevant cette silhouette, le directeur de la boite qui m'engageait... Il n'était qu'un homme parmi tant d'autres mais il avait mon poste entre ses mains, mon avenir, mon salaire... Allez, Pepper. Tu n'as pas vaincu le pire des professeurs en oral pour avoir peur devant ton patron... Si ? j'avançais alors, osant, prenant mon courage à deux mains. "Excusez-moi, Monsieur Stark, mais j'ai remarqué un problème dans les comptes..."


Un tour, puis un autre. L'entreprise était un véritable chaos et monsieur Stane était le seul maître à bord, le seul à pouvoir et devoir gérer l'apocalypse qui avait ravagé les lieux, la ville... Tout. Le richissime et plus qu'intelligent, Anthony Stark, avait disparu. Oh, il était tout à fait insupportable, ingérable par moment. Même moi, l'assistante personnelle qui courait presque après lui pour lui rappeler chacun de ses rendez-vous, de ses devoirs, il avait fallu plusieurs années avant de finalement comprendre comment cet homme pouvait fonctionner... Mais aussi comment passer au-dessus de ça. Ou, en tout cas, essayer... Je soufflais, la respiration tremblante, le coeur meurtri d'inquiétude depuis sa disparition... Je me laissais tomber sur ma chaise de bureau, rongeant mes ongles, les grignotant en ayant du mal à ne penser qu'au travail, à faire ce que je devais faire... Je ne devais pas laisser la peur me dévorer. Alors, ravalant les larmes, digérant difficilement ce mal-être, je prenais un dossier - encore un, ils se multipliaient - et je me droguais de travail. Le boulot s'infiltrait dans mes veines et en devenait une petite dose d'adrénaline. Juste assez pour concentrer mon esprit, sur des chiffres, des mots complexes... Jusqu'à cette interruption. Jusqu'à cet homme qui rentrait dans mon bureau... Le soir était tombé, sans même que je ne m'en rende compte... Le ciel, obscurci, comme mes pensées, en voyant Happy... Une tension. Une peur. Je fermais les poings. Les ongles s'enfonçaient dans ma peau. Qu'allait-il m'annoncer ? "L'équipe de recherches l'a retrouvé..." Juste quelques millièmes de secondes, pourtant si longues. Comme si elles étaient devenues des minutes, des heures... "En vie. Mal au point mais en vie." Et le flot de larmes se remit à couler. Rassurée. Lâchant enfin ce poids qui reposait sur mes épaules et qui avait failli plus d'une fois les affaisser alors que j'étais en public. Que j'avais tant de fois fait semblant de rien face aux autres. Seul Happy m'avait vue pleurer... Seul lui avait été cet ami proche, réconfortant. Malgré les perles de sel qui roulaient le long de mes joues, je souriais...


Un levier. Un autre. La peur. L'adrénaline. Je ne savais pas si ce que je vivais, était... Réel. Si ça ne l'était pas, ce que je faisais était inutile, je me réveillerai dans mon lit ou affalée sur mon bureau... Si ça l'était, je devais me dépêcher, actionner chacun des leviers, tourner les boutons... Surcharger le réacteur... Surcharger le réacteur... C'était ça, qu'il fallait faire, pour me sauver. Pour sauver Tony, aux prises avec Obadiah. L'instinct de survie était la seule choses qui répondait, actuellement. Mon cerveau n'était dicté que par cela, uniquement par cet instinct des plus primaires qui vivifiait mon être en entier, qui empêchait ces tremblements de panique de me paralyser, qui me retenait de me mettre dans un coin et de simplement prier pour que tout s'arrête. Je devais me dépêcher... Quelques derniers boutons et... voilà ! C'était prêt et je relevais les yeux, paniquée. Bien plus pour cet homme sur le "toit" de verre que pour moi, relativement en "sécurité" en bas... "ça y est, je suis prête, Tony ! Evacuez le toit !" Je me cachais le visage alors que les débris de verre tombaient, s'affaissaient sur ma silhouette simplement protégée par un tailleur. En relevant les yeux, mon coeur s'arrêtait en voyant Tony, pendu dans le vide, accroché aux barres de métal... La main sur le bouton rouge, incertaine... "Tony !" "Pepper ! Appuyez sur le bouton !" Une phrase idiote que je sortais juste après, simplement inquiète par sa présence au-dessus du réacteur : "Vous m'avez dit d'attendre !" Une explosion alors que je voyais le tracé de ce projectile... "Je vous dis de le faire !" Puis ce cri de plainte. De désespoir. De peur. "Vous allez mourir !" Une autre explosion, mon coeur qui se serrait de nouveau, l'envie de hurler de nouveau alors qu'il glissait... "Le bouton !" Et j'appuyais... Tout en priant, tout en espérant qu'il n'ait rien... Tony...


Les doigts se frottaient sur mon front, massaient la peau tendue par tout ce stress. Depuis que Tony devenait fou, depuis qu'il y avait eu ce jugement avec le Sénat, depuis que j'étais devenue directrice de Stark Industries... Je soufflais en sentant ce poids, ces obligations... Ces chaînes d'informations qui mettaient en doute mes compétences en tant que dirigeante, n'étant qu'une pâle remplaçante de Stark. Je bataillais entre les coups de fil pour défendre l'honneur de Tony en tant qu'Iron Man, défendre l'entreprise... Même chez moi, il n'était plus réellement possible de penser à autre chose qu'à tout ça. Qu'à ce stress ambiant. Il me grignotait de plus en plus, me rongeait... Ce soir, en plus, avait lieu l'exposition Stark. Un autre moment où j'allais encore devoir gérer les journalistes - de vive voix, en plus -, les autres entrepreneurs... Je soufflais un bon coup et je me secouais mentalement : allez, Pepper ! Tu n'étais pas arrivée jusqu'ici pour te laisser avoir par le stress ! Je reprenais le combiné du téléphone pour composer le numéro de téléphone qui permettrait d'être en lien avec une personne pouvant me permettre de récupérer l'armure de Tony, volée par James lors de sa soirée d'anniversaire. Alors qu'on me remettait en attente, je repensais à tout ça. A ce "pétage" de la part de Tony... Même s'il était un extrême, en temps normal, ce comportement était tout simplement étrange. Des plus inhabituels.... ça en devenait carrément flippant. ça faisait bien plus peur que de le savoir en train de combattre Ivan ou, bien avant, Obadiah ! Mais il était aussi exaspérant... Alors, lorsqu'il passa la porte, armé d'une boite de ce qui devrait pouvoir me tuer en quelques minutes, je ne savais pas si je devais l'engueuler, le renvoyer ou lui laisser une chance... Finalement, trop faible face à cet homme dont le charme n'était plus à prouver, mais tout en gardant une posture droite et une voix ferme, je lui laissais quelques minutes...


Je serrai fébrilement le téléphone entre mes doigts, le collant contre mon oreille. Après que l'adrénaline soit descendue, que j'ai hurlé un bon coup sur Tony pour le fait qu'il ait mis sa vie en danger - que ce soit avec ce conflit, qu'avec le Réacteur Arc qui semblait le tuer et monsieur trouvait ça "futile" de mentionner -, je n'étais qu'une feuille qui tremblotait. J'avais de nouveau été la spectatrice d'une autre grande bataille, surréaliste... Sauf que beaucoup de monde y avait été mêlé. Bien trop ! Alors que les secours étaient arrivés et que j'étais finalement descendue de ce toit, éclatant la bulle où énervement avait été mêlé avec un autre type de tension, qui avait été bien trop palpable depuis bien des semaines, où un simple baiser avait été échangé, mon père avait téléphoné. Alerté par les informations. Par les éditions spéciales parlant de cette attaque sur l'Exposition Stark. "Je te jure, papa, tout va bien ! Je vais très bien. Je ne suis pas blessée !" "Tu es sûre ? Avec ta mère, nous avons tout vu et..." "Je vais bien, je te le promets ! Ecoute, je dois y retourner... Mais je te rappelle... Mieux, je passerai vous voir ! D'accord ?" Il grommelait, l'ancien agent à la retraite ne perdant jamais ses peurs, il ne savait pas faire abstraction de ça, même après un entrainement intensif... Je souriais doucement alors qu'il raccrochait enfin, que je regardais encore une fois les secours, les gens qui avaient été paniqués par cette bataille, blessés... Je tentais de contrôler mes tremblements, bien consciente que je ne saurai éviter une horde de journalistes dès qu'ils trouveront une brèche dans la foule... Je devais retrouver un aspect professionnel, sérieux... Malgré que mon coeur soit sur un petit nuage et que mon corps était prêt à s'écrouler dans la seconde...


Mes ongles s'enfonçaient dans le cuir du siège de l'avion. Je tremblais, étant presque capable d'éventrer ce pauvre mobilier n'ayant rien demandé tellement ma poigne était puissante... Mon coeur battait avec force dans ma poitrine. Les images sur l'écran allaient au ralenti. New-York, attaquée... Tony que je voyais aller d'un côté à l'autre de la ville... Le battement cardiaque était si fort qu'il résonnait dans ma tête... Mes oreilles étaient bouchées... Ma vue aurait pu être brouillée que je ne m'en rendrais même pas compte... J'avais peur... Tellement peur... J'étais pétrifiée et je n'entendais pas un mot... La caméra qui suivait ce missile... Maintenu et dirigé par Iron Man... Les deux disparaissaient dans ce trou, ce portail... Mes tremblements s'amplifièrent... Je ne faisais que ça : l'observer se mettre en danger, le voir flirter avec la Mort... Et plus le temps passe, moins j'ai un rôle important... Plus je suis un "poids", aussi utile que ces curieux devant leur TV... Alors que je perdais pied, que je me sentais nauséeuse... Je sentais les larmes au bord de mes paupières, risquant de s'écouler... Les secondes défilaient... Trop longues... Trop douloureuses... J'avais l'impression que le monde tournait, alors que j'étais sur une terre "ferme" sur le sol de cet avion... Je passais une main dans mes cheveux, ravalant les larmes, me retenant de craquer, espérant, priant... Un seul murmure passa entre mes lèvres, une supplique... Une prière pour n'importe quel Dieu, celui qui m'écoutera... Qui voudra bien ne pas me l'enlever... Quitte à prier la Faucheuse pour qu'elle ne me le prenne pas... J'étais capable de tout... Tout... "Tony... Pitié... Reviens..."


Mes doigts glissaient lentement sur le drap. J'étais dans une demie torpeur. Un demi réveil. Un sommeil troublé par des soubresauts qui n'étaient pas les miens. Je me questionnais encore sur les raisons de ces tremblements fréquents... Puis, alors que l'éveil était plus avancé qu'il y a quelques secondes, l'esprit totalement sorti de ses rêves, je me rendais compte que ça venait de Tony. Il dormait encore mais agité dans ses cauchemars... L'inquiétude, le besoin de le réveiller... Le sortir de cette torture imaginaire qu'il semblait vivre... C'était presque insoutenable de le voir ainsi, aussi blessé et touché... Je posais doucement ma main sur son épaule, pour le secouer légèrement. "Tony... hey, Tony..." Puis ma main était attrapée, plaquée contre le matelas... Le toucher froid de l'armure sur le poignet, j'ai crié par réflexe, prise au piège. Bloquée. Dominée par l'une des nombreuses inventions de Tony, celles qui doivent sauver le monde ou protéger leur créateur... je retenais mon souffle, désormais inquiète pour moi, pour ma propre vie, sachant pertinemment que face à ça, mon corps n'était qu'une brindille. Ma voix, aussi inexistante qu'une fourmi sur la route d'un vélo... j'étais une souris prise au piège, qui avait l'impression de vivre ces dernières minutes... Jusqu'à ce qu'elle se retire, "s'éteigne"... Je me dégageais, sans même faire attention à Tony... Je sentais ma poitrine se compresser, se resserrer sous cette peur que je venais d'avoir... Sans même y réfléchir plus, sans même accorder une oreille attentive à cet homme que j'aimais et qui souffrait, je décidais de partir... D'aller dormir en bas... D'être en sécurité... Loin de lui. Alors qu'avant, c'était lui, qui me protégeait de tout...


Le bout de ses doigts effleurait les miens... Un toucher fantomatique... Dernière sensation... Dernière vision de son visage alors qu'il échouait à m'attraper... Lui qui faisait tout pour, me voilà... Tombant dans le vide... Hors de sa prise... La chute semblait si longue... Interminable... Des phrases que j'aurai dû lui dire... Des mots que j'aurai dû échanger avec mes parents... Un futur imaginé... Mais impossible... Mon corps était attiré par le sol... Par cette gravité traitresse... Les flammes m'accueillirent, léchèrent mon corps avant... Avant...


Je grognais... Mes os bougeaient, craquaient... En rouvrant les yeux, je voyais mon bras droit déformé... Je devrais... Je... Morte, non ? Je... De ma main qui n'était pas blessée, je me redressais, je me tenais à cette barre en fer... J'ai chuté... J'ai... Je suis tombée... Je suis normalement... Puis je sentais tous mes muscles se remettre à leur place, mon bras reprendre une forme normale, réelle... Comme si je n'avais rien eu... Comme si j'étais tombée sur un matelas... Je me relevais, douloureuse, nauséeuse... Ma peau irradiait de cette lumière orange. Caractéristique de l'Extremis... Je... Il m'avait transformée en monstre. Ce type, ce Aldrich Killian, qui me répugnait déjà lorsque je bossais pour lui, lorsqu'il me prenait pour un simple bout de viande... Sans jamais me respecter... Il avait osé me transformer en... ça... Puis je le voyais... Cette silhouette, menaçante au-dessus de Tony... Rage... Colère... Dégoût... J'attrapais la barre jaune et j'avançais...


Le doigt nu de cet anneau qui l'avait pourtant orné. Le poitrine vide de cette chaleur réconfortante que Tony pouvait me procurer. De ce sentiment de sécurité qu'il m'offrait... L'amour était, malheureusement, toujours présent... Mais... Non. Je n'en pouvais plus... Je ne le supportais plus... Accrochée au volant de ma voiture, je tremblais légèrement... Je le revoyais, après qu'il se soit injecté une version modifiée de l'Extremis... De cette chose qui m'avait rendue immonde... Je sentais de nouveau mon coeur se briser et le monde s'effondrer lorsque je m'étais rendue compte que son coeur s'était arrêté ! Les larmes remontaient encore, la vision de son corps, sans vie, parfaitement ancrée dans mon esprit. Dessinée à l'encre de Chine, gravée à même le marbre de mes souvenirs... je ne voulais plus. Je ne pouvais plus. Je ne saurais supporter le voir mourir, en étant à ses côtés, en n'ayant rien pu faire... Je lui avais dit... Demandé... D'arrêter... Mais il était Iron Man. Je ne saurai jamais le changer. Je ne parviendrais jamais à le rendre réellement égoïste comme la plupart des gens avait tendance à le voir... je ne voulais pas le changer ! Alors... j'étais juste... Partie. Finies les tentatives de vivre avec ce poids. Fini de sauver une relation que je sentais, trop destructrice. Je me répétais les raisons de cette rupture définitive dans la tête... Je les répétais... je les comprenais... Mais... mon coeur saignait... car ça l'était... C'était la fin... L'histoire était finie... Pas de prologue... pas de suite... Rien. Je devais... Peut-être pas tout de suite, le temps de m'en remettre... Je devais essayer... De refaire mon propre livre. D'arrêter de vivre pour les autres... Pour m'inquiéter pour eux... D'attendre, dans le fond de la salle, que le film se termine... Ramasser les déchets et réparer ce qui pouvait l'être...


Les larmes étaient rapidement essuyées sous mes doigts, une vaine tentative de ne pas montrer mon désespoir. Ce vide en moi. Cette perte. Je perdais mon héros, en ce jour... On enterrait mon héros... Le mien... Celui qui avait tant fait pour moi... Celui qui avait été mon phare les premières années de ma vie... Celui dont les paroles m'ont servies... Encore... Encore... Même maintenant... Je croisais les bras, les frottais, prête à m'effondrer. Prête à finir à genoux, au sol. J'avais la tête haute, tentant de rester digne devant les amis de mon père. Devant ses anciens collègues. Devant notre famille. Je n'arrivais pas à me faire à l'idée qu'il était mort... Décédé dans son sommeil... Comme ça... Les larmes se mirent à couler plus fort, alors que je le revoyais, sa tignasse de feu dansant dans la lumière, lorsqu'il venait me border car je n'avais pas su rester éveillée le temps qu'il rentre... Mais que je l'étais car il n'était pas le plus discret... Je souriais... Je pleurais... Il me manquait déjà... Un coup d'oeil vers ma mère et je comprenais qu'elle n'était que l'ombre d'elle-même... Elle venait de perdre son âme-soeur... Sa vraie moitié... Retenant mes sanglots, je passais mes bras autour d'elle et, comme deux personnes perdues dans l'océan, nous nous accrochions l'une à l'autre. Chacune l'ancre de l'autre... j'avais envie de hurler mon désespoir, demander pourquoi, supplier de me le rendre... Tant de personnes méritaient de mourir ! Alors, pourquoi prendre mon père ?! Pourquoi me le voler ?!


La main sur le sol, je ralentissais mon atterrissage forcé. Le ciment se désagrégeait sous la force, sous les doigts de métal qui s'accrochaient à lui. Je relevais la tête, les yeux qui allaient d'un côté à l'autre de l'écran... Les informations, les ennemis, entourés de ces petits ronds rouges pour pouvoir les viser... Pour pouvoir les toucher... Je me redressais, les genoux pliés, paumes vers eux et des tirs. Habituée depuis le temps à ce recul, je ne bougeais presque plus lorsque je tirais et je pouvais plus facilement enchaîner. Me propulser. Ce que je faisais maintenant, l'épaule frappant, se cognant avec un autre corps. Je roulais, plus loin, avant d'avoir le réflexe de me redresser. Je ne les avais pas, automatiquement, non... pas encore tous. Je devais trop réfléchir encore par moment... J'analysais de nouveau le champ de bataille face à moi... La meilleure stratégie à adopter... Je tournais la tête dans un sens puis dans l'autre... Depuis la disparition de... De certains héros, ceux aux desseins des plus sombres, s'étaient multipliés. Avaient poussés comme des mauvaises herbes... Les "héros remplaçants" étaient là aussi... Comme moi. D'abord un fardeau, puis un moyen de faire ce que je voulais : ne plus être à l'arrière et être en première ligne. ça n'était pas facile. L'armure n'était pas maniable dès le premier vol... Encore maintenant, j'avais des soucis... Mais sinon... je tournais la tête et j'attrapais la tête d'une de ces saletés apparues de je-ne-sais-où. De l'autre main, je tirais dans son torse et l'envoyais voler bien plus loin... Une violence méprisable, mais nécessaire...


Mes doigts tremblaient... Je n'étais que ça... L'adrénaline retombait... J'avais vu l'homme face à moi tomber... Il n'était plus là, désormais... Non, j'étais... Seule... Je marchais, quelques petits pas titubant... Déséquilibrée... j'étais sonnée... Mon bras droit insensible et inamovible... J'avais dû recevoir un coup... Je pense... je ne savais plus... l'armure était intacte, là... C'était aux côtes qu'il manquait quelques plaques... En y posant la main, je voyais le rouge qui teintait alors le gant de métal... Je relevais la tête... Je voyais cette silhouette dans la rue... une personne inconnue... J'allais parler... Dire quelque chose... Avant de tomber... De me laisser rattraper par l'épuisement... Autant mental que physique...